Turbo le mot magique. Magique et fortement teinté d’années 80. Le turbo est partout : en F1, dans la Renault 5 de votre cousin et… il arrive en moto. Alors, turbo trop bien ?

Dans les années 80, tous les constructeurs japonais ont eu la folie du turbo ! L’idée maitresse est à peu près la même : proposer une moto de moyenne cylindrée de forte puissance. Soit la possibilité d’allier  compacité et legèreté de la machine, avec un potentiel moteur digne d’une grosse cylindrée. Faut dire que les grosses de l’époque le sont vraiment… Du coup la tentation du turbo semble être un vrai avantage. 

TURBO c’est quoi ?

Rapidement, un turbo permet d’augmenter le volume d’essence qui entre dans la chambre de combustion . Comme on gave une oie …ou quasiment . Une turbine entrainée par les gaz d’echappement  pousse les gaz frais dans la chambre de combustion et donc fait entrer plus de mélange air –essence qu’il n’y en a traditionnellement . Du coup ca doit pousser plus fort. La sur-alimentation ce devait être la solution ultime !  

2 limites au système : le temps que la turbine se mette à tourner assez vite pour gaver efficacement, et la pression de sur-alimentation à haut régime histoire que le moteur n’explose pas … On le verra plus tard, Suzuki a pris mille précautions et la XN s’appele XN 85 car c’est la puissance qu’elle développe :  85 chevaux, pas si magique alors ? 

Une moto hyper novatrice !

Apparue en 1982, cette Suzuki regorge de nouveautés techniques : un turbo planqué derrière les cylindres, un système d’injection remplacant les carburateurs, une gestion complète par électronique pour  éviter que tout  explose. D’ailleurs chaque concessionnaire qui en livre une va devoir acheter une petite valise cde contrôle électronique spécifique à la XN : une première là aussi ! 

On le sait aujourd’hui les 4 cylindres de 673 cc auraient pu développer bien plus que ses  85 cv mais Suzuki a tout bridé pour faire une moto hyper fiable. En commencant par un taux de compression «  naturel ( hors turbo ) faible et une pression de suralimentation de 0,72 bars seulement… Un gros déploiement technologique pour des résultats mesurés… 

Mais la XN 85 c’est aussi la première moto à roue avant de 16 pouces en série, et première routière équipée d’une suspension arrière Full Floater à biellettes. Deux révolutions qui passent inaperçues car tout le monde ne pense qu’au Turbo, mais… qui sont très importantes. Et puis il y a tous ces symboles techniques des années 80 : le phare rectangulaire, l’anti plongée sur la fourche etc. Notez la taille des clignos de l’époque qui sont plus gros (ou presque) que certains phares d’aujourd’hui !

Enfin, la XN 85 c’est une ligne un peu à part issue de la mythique Katana ! Effet surprenant avec les petites roues (inhabituelles à l’époque), la XN 85 semble basse et longue. 

Cette ligne agressive est renforcée par un détail :  si vous regardez bien le carénage, il y a écrit TURBO à l’envers pour terroriser les gens que vous rattrapez sur la route. Dans leur rétro ils verraient bien votre menace écrite en gros au dessus du phare !! 

Turbo or not turbo ?

On a bien envie de s’installer au guidon de cet ovni qui ne ressemble à rien d’autre  !!  Une fois enfourchée la Turbo est basse.  Les instruments sont regroupés dans un joli bloc, avec les diodes à cristaux liquides du turbo bien en face du regard sur le haut du compteur. Au coup de démarreur, le son qui sort du petit silencieux court est rauque, profond. L’inertie moteur est marquée. Sur le coté du carénage on remarque une diode bleue qui s’allume quand vous coupez les gaz. Amusant.

La position est super regroupée. Première, et surprise il faut un peu faire cirer l’embrayage pour décoller. 

Evidemment le premier truc quand on essaye une turbo .c’est le turbo ! Mythologie, brutalité, surpuissance, que donne vraiment cette suralimentation ? Eh bien, ça commence par une mauvaise nouvelle : c’est creux ! Rien en dessous de 3500 tours.

Du ralenti jusqu’aux mi régimes, il y a de l’inertie, de la lenteur, un moteur souple mais sans aucune force.  Puis …..passé 6000, les diodes s’allument, et ca pousse. Puis plus ca prend du régime, plus ca pousse !  Ahhhh voilà , c’est ca le turbo , mais…il faut un vrai mode d’emploi : le temps de réaction est long, et couper les gaz signifie faire preuve de patience pour retrouver les chevaux !  En fait il faut que la pression qui alimente la turbine monte dans la tubulure d’échappement, et on le sait aujourd’hui  ( mais pas à l’époque ) plus le turbo est proche de la sortie d’échappement plus le temps de réaction est réduit … là …  il faut que les gaz fassent le tour COMPLET du moteur. Le turbo est très loin, il est DERRIERE le banc de cylindres, sous l’injection :  d’où un temps de réaction monumental ! 

Embrayage doux, boîte précise et bien étagée, heureusement que la transmission ne vous pose pas de problème, car il faut maintenir le moteur au dessus de 6000 pour avoir le sourire… et ne pas trop attendre l’arrivée des chevaux.

Une moto géniale dans les nationales à longues enfilades ou l’on ne coupe guère les gaz : turbo ! Mais une vraie galère sur une route de montagnes avec des épingles… : no turbo ! Faut choisir où on roule pour l’apprécier, car les sensations sont sympas en mode turbo ! 

Une partie cycle superbement équilibrée

Heureusement, le châssis est très agréable. Position , maniabilité, stabilité, la partie cycle est très réussie ! La XN 85 marque une nouvelle ère pour les 4 cylindres des années 80.  

L’apport de la roue de 16 pouces est réel. La moto est hyper naturelle malgré un poids de 244 kg et son comportement est remarquable  face aux pachydermes 1100 de l’époque.  La roue avant de 16 combinée à la position sur l’avant facilite les mises sur l’angle. La suspension arrière souple, absorbe bien !  Heureusement car pour pouvoir sortir vite  des virages, avec ce moteur creux, il faut y entrer fort et en confiance pour ne pas perdre l’élan  !  

CONCLUSION

La mode Turbo aura duré 4 années de 81 à 85, tous les constructeurs en ont sorti dans leurs gammes : 500 et 650 Honda, 650 Yamaha, Kawasaki 750 et cette Suzuki... Cette XN85 est d'ailleurs un oiseau rare : 1153 exemplaires seulement produits dans le monde…. Mais la vague n’a pas convaincu : la technologie du turbo était balbutiante et la conduite mal adaptée à une moto. Creux, avec une arrivée de la puissance peu prévisible, il ne facilitait pas une conduite naturelle et instinctive : le moteur Turbo ancienne génération, il faut vraiment savoir s’en servir. D’un autre côté, les moteurs "normaux" ont fort progressé en rendement et les Turbo ont disparu. L’idée était bonne, mais la technologie à peine naissante. Quelle belle époque technique, et quelle exclusivité pour qui possède un de ces fameuses machines. Rien que pour ça, ça vaut le coup ! Et puis à bien y réfléchir avec les évolutions des ensembles turbo-injections actuels, on se dit que ça vaudrait bien le coup de retenter l’aventure…

Les plus
  • Aspect historique – rareté
  • Déploiement de technologie
  • Equilibre de la partie cycle
  • Sensations de poussée en mode turbo (6500 / 9000)
Les moins
  • Exploitation moteur compliquée
  • Moteur creux hors turbo
Équipement
Vidéo: