La moto de la semaine : Suzuki GSX-R 750

Actualité du 15/01/2020 par Philippe GUILLAUME
 

Cette semaine, j'ai roulé sur une Suzuki GSX-R 750 de 1986. Je vous explique pourquoi cette moto est importante - non, pourquoi elle est carrément révolutionnaire ! Cette GSX-R fait partie des rares motos avec laquelle, il y a eu un avant, et aussi, surtout, un après.

En anglais, on appelle ça un "game changer" : le genre de truc qui, soudainement, vous fait voire les choses différemment et qui, ensuite, impacte complètement l'univers concurrentiel. En gros, c'est la ligne médiane entre l'avant et l'après. A moto, il y a eu la Honda CB 750. Et puis, après, c'est la GSX-R 750. Avant. Après. 

Avant, à part dans le monde des GP, on faisait la course avec des motos de route que l'on tentait d'optimiser tant bien que mal. Suzuki inverse le paradigme : la GSX-R propose au motard lambda de rouler sur la route avec une moto de course. Et elle le prouve : à peine arrivée sur le marché, elle remporte déjà les 24 Heures du Mans en avril 1985 ! 

A l'époque où le délire répressif, les 80 km/h, les radars tronçons et tout le tremblement n'étaient pas encore de mise, à l'époque où la moto s'envisageait encore beaucoup sous l'angle de la performance, la GSX-R a fait encore plus l'effet d'une bombe que l'arrivée de Shakira dans un concours de sosies de Dominique Lavanant. 

Outre son look et son pedigree, elle innove aussi avec des solutions techniques qui font jaser dans les apéros de motards : cadre alu (c'est une première sur cette cylindrée, pas dans l'absolu - on rappellera chez Suzuki la  RG 250 de 1983 et la 400 GSX de 1984), moteur refroidi par air et huile (une technologie brevetée par Rolls Royce sur les moteurs d'avion en 1924) et, surtout, un poids à sec (176 kilos) qui renvoie tout le reste au statut de beluga boulimique. On rappellera qu'alors, une "replica", c'était une Honda VF 1000 R de 270 kilos ! 

Il faut remettre tout cela en perspective avec le contexte concurrentiel. En 1984, avant que la Gex ne débarque et ne renverse la table du salon d'un coup de pompe bien senti, le motard d'alors avait le choix, chez Honda, entre une CBX 750 F (plutôt une bonne moto, mais elle faisait 91 ch pour 218 kilos à sec) et sa soeur ennemie, la VF 750 F (86 ch, 218 kilos à sec et un V4 fragile lors de son lancement - problèmes d'arbres à cames - ce qui a rapidement plombé sa carrière) ; chez Kawasaki, on en était encore à la 750 Ninja, avant que Kawasaki ne réplique avec la ratée GPX 750 R, tandis que Yamaha n'a que la XJ 750 à proposer, avant d'arriver en même temps avec la FZ, une excellente moto au demeurant, mais avec un positionnement moins spectaculaire. 

La GSX-R, c'est le fantasme à portée de main : affichée 42500 F à son lancement, elle n'est même pas plus chère que la concurrence ! Pas de quoi hésiter, donc. Et d'ailleurs, les motards n'ont pas hésité : avec 14000 exemplaires vendus la première année, dont 1198 rien qu'en France, ce fut aussi un remarquable succès commercial ! 

Suzuki GSX-R 750 : sa vie, son œuvre

C'est un choc, quand la GSX-R est présentée au Salon de Cologne fin 1984. Les chaînes de production démarrent le 25 janvier 1985 et les premières machines arrivent sur notre marché dès le mois de mars. Esthétiquement, les premiers millésimes se reconnaissent à leur grille d'échappement entièrement perforée (elle ne le sera que sur les extrémités en 1986, comme sur notre modèle d'essai). Techniquement parlant, Suzuki se montre réactif : le poids mini annoncé a frappé les esprits, mais la moto manque de rigidité quand elle est poussée à la limite. Du coup, le millésime 1986 aura aussi un bras oscillant rallongé de 25 mm, ainsi que de nouveaux pneus radiaux. Autre détail : des optiques de phare plus puissantes. Cela suffit pour créer l'événement, car cette même année, Suzuki lance aussi la GSX-R 1100 : les fans de motos performantes sont hystériques ; avec ses 130 chevaux, la grosse Gex est la moto qu'il faut avoir pour se faire respecter dans le quartier... Et à bloc sur l'autoroute.

En 1987, le coloris rouge/noir devient importé en France. Le réservoir est plus gros (de 19 à 21 litres), les suspensions sont modifiées (amortisseur de direction de série, quelques évos dans la fourche). 

La seconde génération de GSX-R 750 apparait en 1988 : c'est le type J. Avec ses roues de 17 pouces, ses pneus plus larges, son design plus arrondi, sa double sortie d'échappement, sa zone rouge à 13000 tr/mn, elle continue de véhiculer du fantasme mais n'a plus grand chose à voir avec sa devancière. 

Suzuki GSX-R 750 : trois choses qui m'ont fait kiffer

Alors, ça fait quoi de rouler sur une moto de course homologuée ? Ben c'est cool ! En réalité, bien que plus légère, la GSX-R n'était pas plus performante que ses concurrentes tout au long de sa carrière. Par contre, elle sait vous raconter une histoire. Voici trois choses qui m'ont fait kiffer lors de cet essai : 

  1. Le look ! Evidemment, avec elle, on comprend pourquoi elle faisant sensation quand on en voyait passer une. A l'époque, seules les motos d'endurance (et les "spéciales" façon Martin ou Godier-Genoud) avaient de gros phares ronds, comme cela. On continue avec le tableau de bord très racing, avec seulement deux petits instruments ronds sur fond blanc et aiguilles oranges pour une lisibilité immédiate, bien calées dans leur platine en mousse. A l'époque, le compte-tours qui ne démarre qu'à 3000 tr/mn (sous entendu, se trainer au ralenti, c'est pas son truc) est mythique. A bloc, l'aiguille du compte-tours est bien en l'air, dans le champ de vision du "pilote". 
  2. Côté perfs, ça marche évidemment encore très bien, mais hélas, une GSX-R n'enterre pas une VFR ou une FZ contemporaines. Sa surface frontale généreuse est même synonyme de vitesse de pointe inférieure. La presse de l'époque mesure en effet la Gex à 230 chrono, quand une VFR mieux profilée prenait 240. Rappelez-vous qu'à l'époque, on aimait bien savoir qui pissait le plus loin. Mais l'essentiel est ailleurs. Il a du caractère, ce 4 cylindres, et une sonorité sourde et profonde, aussi. Et son dynamisme entre 7 et 11000 tr/mn fait toujours plaisir à vivre ! 
  3. Il y a quelque chose qu'à la GSX-R et que les concurrentes n'ont pas : c'est cette connexion avec la route. Certes, elle est plus exigeante, en termes de position de conduite, et malgré son poids plus léger, avec ses roues de 18 pouces et sa géométrie radicale, ce n'est pas un vélo (une FZ 750, à côté, virevolte comme une CB 500 !). Par contre, entre la large bulle dont le jonc est en plein dans votre champ de vision, entre la précision des commandes (mention spéciale à la boîte de vitesse à la précision très directe, quasiment organique), entre ce moteur qui ne demande qu'à prendre des tours, il est clair qu'on se fait un film. 

Une Suzuki GSX-R 750 aujourd'hui : combien, comment ?

Elle a largement passé le statut de la bonne occase pour devenir un engin digne d'être collectionné. Les puristes cherchent à tous prix une 1985, les autres peuvent se contenter sans se sentir lésé d'une 86 ou 87. Encore faut-il en trouver une belle, et dans ce cas, il faudra mettre de 8 à 10 000 € sur la table, à moins de vouloir reprendre, à 4000 €, une moto roulante mais bien défraichie. Sachez que si la base technique est simple et solide (le moteur SACS encaisse plus de 100 000 km sans trop broncher), une Gex a maintenant 35 ans : les plastiques se fendent, les couleur passent, l'amortisseur arrière est un consommable. Vrai problème technique : un pignon de deuxième qui peut finir par fatiguer. Les pièces mécaniques existent encore, mais les échappements deviennent vraiment rares. Quant à l'habillage, bonne chance, car c'est rare et hors de prix : un tête de fourche d'origine vaut pas loin de 1200 €... 

Quelques chiffres clé : 

  • 4 cylindres en ligne,  4-temps, 749 cm3, 70 x 48,7 mm
  • 4 carburateurs Mikuni, 29 mm
  • 100 ch à 10500 tr/mn 
  • 73 Nm à 9000 tr/mn 
  • 201 kilos avec les pleins
  • 230 km/h chrono 

Et pour le plaisir, on la retrouve aussi en vidéo sur Motorlive : 

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