Avant de devenir la grosse cylindrée la plus vendue au monde, la BMW GS a commencé sa carrière en 800 et en G/S, avec un « slash » ! Le vilain petit canard a réussi à faire oublier sa plastique, toujours discutable mais de moins en moins discutée, pour devenir une référence dans le genre et le cauchemar des concurrents. Retour sur une success story quasiment inégalée dans le monde de la moto ; un petit rappel utile au moment où notre bon Eric va essayer une nouvelle génération : la R 1250 GS !

On dit « Mobylette » pour un cyclomoteur, on dit « Frigidaire » pour un réfrigérateur : ce que craignent tous les fabricants de moto, c’est qu’on finisse par dire « GS » pour un gros Trail ! La mainmise commerciale et psychologique de la grosse teutonne sur le segment est telle que, de la même manière que le Tmax sur le marché des maxi-scooters ou des Harley-Davidson dans le monde du custom, il y a la GS et les autres. Pourtant, cela n’a pas commencé sur les chapeaux de roues !

Quelques éléments de contexte

A la fin des années 70, BMW c’est tout sauf glamour. La firme a frôlé la banqueroute dans les années 60, l’état major a pensé à liquider la branche moto a quelques reprises et se contente de grosses berlines assez pataudes. Le réveil arrive a la fin de la décennie, avec les coupés Série 6 dessinés par Paul Bracq, suivis de la Série 7 (1978), puis du début de la saga des M (avec la M1 en 1978), puis la M535i en 1980. BMW en est à subir ce paradoxe : ils font des autos sympas et des motos chiantes. C’est triste à dire, mais à l’époque, c’est comme ça. 

Dans le tournant des années 70, BMW Motorrad fait évoluer sa technologie. La R 69 S donne place aux séries 5 (R 50/5, R60/5, R75/5), une gamme de routières de 34 à 50 chevaux ; en 1974, c’est la série 6, qui adopte, non pas un mec, mais une boite 5 et un tableau de bord qui n’est plus incrusté dans le phare.

Du coup, c’est sur une base de Série 7 (pas l’auto, la moto !) qu’est construite cette R 80 G/S : le kick a disparu, les disques de freins sont ajourés pour une meilleure efficacité sous la pluie, les commodos sont renouvelés, tout comme le mécanisme d’embrayage. Pour le développement, c’est simple : on doit beaucoup à Laszlo Peres, ingénieur BMW, qui s’est construit une machine d’enduro autour d’un flat 800, et qui terminera second du championnat allemand d’enduro avec en 1978 ! Les prototypes seront testés autour du bassin de l’Amazonie, dans les forêts de l’Equateur et sur des pistes à 5000 mètres d’altitude en Amérique Latine.

Un scrambler, au fond !

Attention, roulement de tambour, on peut dire que BMW invente le premier gros Trail depuis l’homme de Neandertal. C’est en effet en 1980 que la R80 se décline dans une version G/S (avec un « slash », qui disparaîtra par la suite, le G voulant dire « Gelande », terre, et le « S », Strasse, route). C’est Honda qui suivra le mouvement avec la XLV 750 R de 1983 (et son fameux coloris « pompier » bleu /blanc / rouge), mais en disant cela, on a oublié la Triumph Tiger 650 («TR65TT ») de 1981 que même chez Triumph, ils ont oublié aussi.

On ne va pas crier au génie : dans les faits, il ne s’agit que d’un flat twin basique, comme sait les faire BMW à l’époque, simplement doté de débattements de suspensions plus importants, ainsi que d’un guidon haut. BMW avait fait des études auprès de grands voyageurs à moto d’où il était ressorti que 2 % seulement des trajets se faisaient sur des terrains vraiment difficiles, les 98 autres % étant sur des routes ou des pistes assez praticables. En fait, BMW réinvente le Scrambler 20 ans après qu’il en soit passé de mode ! Mais les Allemands lui ajoutent un nouveau concept : la fiabilité, la simplicité… 

La R 80 G/S innove toutefois avec sa suspension arrière Monolever, avec un monobras oscillant qui permet 170 mm de débattement à l’arrière (et 200 mm sur la fourche), avec une garde au sol très correcte de 218 mm. Quand ils la découvrent le 1er septembre lors de la présentation mondiale à Avignon, les journalistes ne sont pas prêts de s’imaginer qu’ils font face à ce qui va devenir un phénomène mondial !

Côté commerce, ça marche, mais c’est pas le carton intergalactique non plus : alors que le Trail est super à la mode, que la XT 500 est une icône et que BMW remporte 4 victoires au Dakar entre 1981 et 1985, la R 80 G/S ne se vend qu’à 6631 exemplaires en deux ans (ce qui est toutefois le double des prévisions, et ce qui représente déjà un cinquième des BMW vendues !). Il faut dire qu’elle était chère : en 1983, par exemple, un Trail mono japonais valait environ 22 000 F ; Honda place sa nouvelle 750 XLV (61 chevaux) à 29 400 F ; BMW, lui, n’hésite pas à afficher sa G/S de 50 chevaux à plus de 33 000 F ! Voilà une constante : une GS, ce sera toujours une moto chère ! La R80 G/S restera 7 ans au catalogue et a été produite à 21 864 exemplaires.

1987 : la fin du slash !

A ce moment, la relève est déjà assurée : la génération appelée en interne R-259, qui concerne les moteurs refroidis par air et huile, arrive. Ce sont les R 850, R 1100 puis R 1150 GS : un gros succès commercial puisque ces machines seront produites à 117 935 exemplaires entre 1994 et 2005, dont rien que 9500 la première année. Le Paralever est toujours là, mais le train avant innove avec le Telelever, un bras articulé qui dissocie la fonction d’amortissement et de guidage. 

En 2000, la R 1150 GS peaufine l’espèce : un peu plus de chevaux (5) mais surtout plus de couple (90 Nm garantis entre 3000 et 6000 tr/mn), de quoi entraîner une nouvelle boîte de vitesse à six rapports, dont le dernier est vraiment surmultiplié. Une version Adventure est là pour séduire les baroudeurs dès 2002 et BMW n’hésite pas à la présenter à la presse sur les sables du Mozambique, au bord de l’Océan Indien. En trois ans, BMW produit 58 000 R 1150 GS plus 15 000 Adventure : c’est à partir de cette génération que les chiffres de vente vont décoller dans des proportions impressionnantes. 

On peut considérer que les GS deviennent, pour le grand public, l’incarnation de la baroudeuse quand le duo Ewan McGregor et Charley Boorman médiatisent leurs tours : en 2004, le Long Way Round leur fait relier Londres à New York par l’Est (30 395 km en 115 jours)  tandis que trois ans plus tard le Long Way Down les envoie de l’Ecosse au Cap (Afrique du Sud) après un périple de 25 000 kilomètres.


Incontournable

Présentée en 2004, la BMW R 1200 GS inaugure une nouvelle génération qui perd 30 kilos et gagne des chevaux (avec 100 ch et 115 Nm, ce qui ne sera pas sans effets sur la fiabilité) et se vend à 84 373 exemplaires ! Un record pour la marque allemande : c’est ainsi qu’il fallut 17 ans pour vendre 50 000 GS (1980 - 1997), mais ensuite, ça s’accélère, avec 500 000 unités vendus entre 1997 et 2010 ! Aujourd’hui, la R 1200 GS est la moto de grosse cylindrée la plus vendue au monde.

En dépit des apparences, la R 1200 GS évolue souvent : néanmoins, BMW reste sur une sorte de quête d’équilibre et de juste mesure des choses là où les concurrents vont jouer la surenchère avec des trails de 160 chevaux (Ducati Multistrada 1200, KTM 1290 Super Adventure). Sauf Honda, qui se la joue « retour aux sources » avec une Africa Twin bien calibrée, et Yamaha, un peu coincé avec sa XTZ 1200 Super Ténére bien empruntée. 

C’est ainsi que la 1200 GS a d’abord été complétée par la « double arbre » en 2010, puis la « semi-liquide » en 2013. En 2019, le Trail passe à 136 ch et 143 Nm de couple. 

En 2010, une série limitée « 30 ans » proposait des GS blanches à cadre rouge. On approche bientôt les 40 ans… Que nous réserve BMW ?

Les cousines :

La saga des GS ne serait pas complète sans mentionner :

  • la famille des bicylindres, produite à partir de 1993 : la F 650 GS a utilisé un mono cylindre Rotax et une transmission par chaîne. Techniquement parlant, elle a été une cousine des Aprilia 650 Pegaso à moteur 5 soupapes. La F 650 GS a reçu l’injection en 2000, a gagné le Dakar en 1999 et 2000 avec Richard Sainct, a été construite au Brésil en 2008 avant de revenir sur les chaînes allemandes et de regagner un peu de rigueur par la même occasion. Plus de 100 000 exemplaires ont été construits, dont une version « Dakar » à roue avant de 21 pouces. 
  • Les bicylindres en ligne : de 2008 à 2017, les F 650 et F 800 GS ont utilisé un moteur Rotax, avant de passer sur un bloc Loncin avec les F 750 et F 850 GS en 2018. Dans les deux cas, le moteur est identique, la différence se fait par une cartographie moteur et des équipements périphériques moins sophistiqués sur la petite. Notons qu’une F 800 GS Adventure a été au programme, de quoi espérer la même déclinaison sur le F 850 GS. 
  • La HP2 : une version « enduro », haute sur pattes (920 mm de hauteur de selle !), qui fait figure aujourd’hui de collector et qui a été le première à avoir le moteur « double arbre ». Elle a été produite en 2005 et 2006 à 2910 exemplaires. Aujourd’hui, certains les vendent 30 000 € ! 

BMW G/S et GS, les dates :

R 80 G/S : 1980 / 1987

R 100 GS : 1988 / 1994

R 1100 GS : 1994 / 1999

R 1150 GS : 2000 / 2003

R 1200 GS : 2004 / 2009

R 1200 GS « double arbre » : 2010 / 2012

R 1200 GS « semi liquide : 2013 / 2018

R 1250 GS : 2019 / …