En 1985, en pleine loi limitant les motos à 100 ch, Yamaha prend le marché à contrepied et sort la SRX : un 600 mono sportif simplissime, mais promis très excitant avec son air de vieille sportive anglaise traité à la sauce moderne.

Le fantôme de la Gold

Yamaha a toujours osé les concepts innovants, voire risqués. Après avoir remis les monos au goût du jour avec la 500 XT, le Japonais enfante une version mono de route avec la SR 500 en 78. Mais il n’était pas pour autant sportif à la manière des Norton Manx et autres Gold Star anglaises.

Il faut dire qu’après les DTMX, XT 500, RDLC ou autres TY, Yamaha était bien celui qui pouvait ouvrir une nouvelle voie pour prouver qu’un 2-roues n’attendait pas les chevaux pour être sympa à conduire !

Il faudra donc attendre 1985 et l’avènement de la SRX pour voir un mono traité de manière sportive avec une culasse à 4 soupapes, un cadre en acier tubulaire et ses freins à disques. Entre néo et rétro, nulle autre machine contemporaine de la SRX n’était comparable. En 85, on est plutôt dans le carénage en plastique et l'hyper sophistication. Autant dire que la SRX détonnait dans le paysage.

Avec ce concept de "Super Single", Yam prône le "light is right" cher à Lotus : un mono issu du trail vedette Ténéré (avec une cylindrée majorée à 608 cm3 contre 595), 4 soupapes, un double carburateur Dual Intake System, un superbe pot très court et évocateur et une lubrification à carter sec (l’huile est dans un superbe petit carter alu à ailettes). 

La ligne est minimaliste, un mini dosseret, des caches ultra réduits, un réservoir étroit sculpté par les conditions d’utilisation "en forme de crosse de revolver" selon le catalogue Yamaha. La moto est sobre (sublime en version grise) basse, étroite, hyper fine. De dos, le plus large élément sont ses amortisseurs ! La ligne générale est dynamique : la SRX évoque vraiment la passion de la moto avec ces ses bracelets inclinés. Elle arrive en gris alu, bleu marine, puis un an plus tard en rouge cerise. 

Le châssis fait dans le sérieux : un double berceau en tubes d’acier carrés, un bras oscillant de section carrée également. La belle sera rigide se dit-on au premier coup d’œil. La paire d’amortisseurs chromés fleure bon le temps jadis, mais les trois disques semblent vraiment surdimensionnés pour une moto a priori aussi légère !

Mais par dessus tout, ce que l’on note, c’est l’emploi de pièces en matériaux nobles. Pas de plastique (hormis le mini dosseret et le garde-boue avant), totalement à l’opposé de ce qui se vend en 85. Non, jugez plutôt : caches latéraux en métal, phare chromé, la platine d’instruments en alu brossé, les pattes de phare en alu, etc. Elle dégage une impression de sérieux, de solide.

 Le kick aussi vous donne une impression de solidité : celle de votre mollet !

C'est où le démarreur ?

C’est peut être là que la SRX va immédiatement sélectionner ses futurs acheteurs. Pas de démarreur, juste un kick ! Il y a ceux qui vont adorer, et ceux qui vont s’inquiéter. Démarrer un 600 mono au kick en 1985, pour certains, ça ne peut pas exister. Ils ne savent meme pas ce qu’est un kick ou presque. Faire dans le rétro c’est bien, le rétro rédhibitoire, c’est moins bien.

Pourtant, il est facile à démarrer ce mono ! Un décompresseur automatique, un allumage électronique hyper précis, un starter à main gauche, vous cherchez la compression, vous remontez la jambe, et sans effort violent, juste d’un mouvement ample et régulier, ça part. Quasiment à chaque fois, mais quasiment pour certains, ce n'est pas assez ! Et puis il faut faire un effort...

Du coup, la SRX se vendra peu (seulement 1100 exemplaires en France de 1986 à 1990). En 90, sur d’autres marchés, une version 2 arrivera avec un mono-amortisseur et un démarreur électrique, mais la France n’y aura pas droit. Sans doute que les faibles ventes de la première version n’ont pas donné confiance. Pourtant, plus de 19 000 SRX 600 et 30 000 SRX 400 ont été vendues dans le monde toutes versions confondues.

Bref, une fois démarré, le mono dévoile un son grave et régulier. Presque trop discret du fait d’un silencieux certes court comme un mégaphone racing, mais doté de trois chambres de tranquilisation. Dès les premiers mètres, on sent une machine rigide et moins maniable qu'imaginée. Les roues de 18 pouces et leurs pneus fins ne cachent pas une certaine inertie à l’ancienne. Amusant. La position encastrée et les bracelets vous donnent de suite l’envie de trouver des routes à longues enfilades. La SRX vous rappelle vite ce plaisir d’enrouler les virages.

Bien s'appliquer

Le mono à la poussée franche et régulière prend bien plus de 6000 tours (le rouge est à 7000) en toute facilité. Ce moteur allonge bien, il tracte avec vigueur, il possède un caractère marqué de mono qui devient une curiosité de nos jours. Que de sensations disparues ! Malgré ses facilités à haut régime, on a plus de plaisir à l’emmener sur le couple à mi-régime, un rapport en dessus. Pas en dessous de 2500 tr/mn quand même car sinon il pilonne un peu.  

Cela étant, vous remarquerez qu'avec 45 chevaux à 6500 tr/min, il n'y a pas de quoi punir la dernière GSXR à l'accélération, mais est-ce là votre seule motivation ? 

Non, il faut s'appliquer et compter sur les 5,2 mkg (52 Nm) de couple à 5500 tours et les 149 kg à sec (170 tous pleins faits). Alors là, quand on a compris comment ça marche (ou qu'on a ré-appris !), on peut vraiment enrouler vite, de plus en plus vite, en posant juste un index sur le levier de frein avant. Avec trois disques et un poids réduit, les freins sont toujours amplement suffisants. La vitesse de pointe, si elle est peu utilisée sur un mono, dépasse les 170 compteur sans souci.

La SRX est une moto de trajectoires propres, de pilotage en finesse. Marquez ne saurait pas s'en servir, mais Lorenzo serait imbattable à son guidon ! Une superbe leçon de pilotage.

 

Sportive à part, avec son gros mono et ses bracelets, la SRX vous donne un plaisir différent, qui est ailleurs que dans les chiffres et les chronos extrêmes. C’est au contraire son approche du pilotage coulé, ce ré-apprentissage des trajectoires propres qui privilégie la vitesse de passage. Et c’est super jouissif ! Garder l’élan, jouer juste du frein moteur en coupant les gaz en entrant sur l’angle, rester tassé dans le creux de la selle, le tout en sortant des courbes au son des "poum poum poum", on en redemande... Plus on va vite, plus elle s’inscrit facilement dans l’angle, avec des bracelets idéalement placés.

Une machine pour petites nationales, grandes enfilades, et routes de montagne.

La SRX est une petite moto, inutile d’imaginer de longs trajets en duo, son confort est un peu limité, mais tant que la route vire, vous suivrez votre inspiration. Avec 15 litres deans le réservoir, et un conso réduite à 4,5 l aux 100, les étapes seront longues !

Attachante et en avance

Un peu de vibrations, un style chic, de jolies pièces avec de beaux matériaux, un moteur ultra exploitable et voilà comment on s’attache vite à la SRX ! En 85, elle était avant-gardiste avec son évocation du passé et de ses plaisirs essentiels. Elle aurait peut-être plus de chances aujourd'hui... Une SRX, ça vous donne d’aller voir plus loin, une balade en cherchant les virages. Le plaisir essentiel de la moto, c’est parfois bon de s’en souvenir !

Les plus
  • Esthétique
  • Simplicité
  • Moto joueuse
  • Tenue de route
  • Moteur à moyen régimes
Les moins
  • Démarrage pour les timides
  • Duo difficile
  • Confort spartiate
Équipement
  • Un kick
  • Un compteur
  • 3 voyants
  • Un compte-tours
  • et c'est tout !