En 1984, pour accompagner son retour victorieux en Grand Prix 500 avec Freddie Spencer, Honda sort une NS 400 R de route à moteur V3 . Une machine qui s’inspire directement de l’esprit de la 500 V3 championne du Monde en 83. Honda, spécialiste du 4 temps et géant industriel n’avait jamais produit un 2 temps de route d’aussi grosse cylindrée. Ainsi la NSR est un cas unique dans la production Honda. Aucune avant elle et aucune autre après n’utilisera un si « gros » 2 temps pour la commercialisation ( moto de cross excepté )

RS 500 Spirit

Pour jouer à fond la mode réplica les lignes de la NSR sont très proches de la version Grand Prix : à la fois sportive et très élégante . Une couleur  HRC et une couleur aux couleurs du team de GP seront proposées.  La ligne est très racing :  diverses entrées ou sorties d’air sur les flancs, un dosseret de selle occultant l’assise passager, un garde boue avant profilé ( en France il sera différent ) et même une béquille de stand est livrée avec la moto neuve ! Té de fourche façon magnésium, commandes bien positionnées, cache relevable pour ouvrir la selle, cache de béquille latérale, superbes commandes aluminium ( admirez la pédale de frein ) ….la 400 NSR est très bien finie.

Techniquement ce n’est pas mal non plus avec un moteur V3 inédit et un chassis aluminium !  Là encore tout ceci «  vient » de la 500 V3


La NS 400 R est commercialisée en Juin 85, un an après la 500 RDLC qui a lancé cette mode des Grand Prix 500 réplicas mais qui en a décu certains. .  La NSR profite à plein du titre Mondial de Honda en GP 500 avec la RS 500 V3 avec Freddie Spencer au guidon.  Sa philosophie en est très proche : une machine compacte équilibrée. Pour la version de route ( et pour l’image ), le concept du moteur en V est évidemment conservé mais il est disposé à l’envers de celui de la machine de compétition  afin de pouvoir loger la batterie et l’accastillage de route sous la selle.  Les 2 cylindres avants sont horizontaux et on retrouve 2 pots en bas,  le cylindre vertical est celui de l’arrière avec un silencieux dans la selle coté droit . Ce schéma moteur est unique, il a été inauguré sur la 250 MVX jamais commercialisée en Europe.   
 
La cylindrée de 400 cc est due au permis Japonais. Au dessus de 500 il faut passer un super permis

V3 et ATAC !

Le V3 de 387 cc est issu de feu la 250 MVX. Un roadster sportif produit une année auparavant, mais qui n’est jamais sorti du bassin Pacifique et qui connaît quelques soucis de fiabilité quand il est mené tambour battant.  En version 400 , Honda revoit sa copie .  Le calage du vilebrequin est réétudié.  Et pour améliorer la plage de puissance,  ce moteur est équipé de l’ATAC : des valves à l’échappement ( sur les 2 cylindres inférieurs seulement ) pour apporter de la souplesse. L’ATAC consiste en 2 boites greffées sur les conduits d’échappement qui augmentent le volume des gaz. Un papillon commandé électriquement s’ouvre passé la barre des 7500 tr/mn .

Car ce moteur a un sacré potentiel, avec 172 ch/l, il promet 72 chevaux  à 9500 tr/mn.  Le couple maxi fixé à 8500 annonce néanmoins une mécanique pointue . Admission par clapets, allumage électronique, la boite à 6 rapports est à étagement serré.  La parenté Grand Prix est évidente

Autre originalité, la rampe de carbus de 26 mm tournée vers l’avant, avec des Mikuni à boisseaux plats ( une première ) équipés de gicleurs de puissance . Enfin, les cylindres sont recouverts de Nikasil, une première pour une machine Japonaise.

Spencer géométrie !

Si la NS 400 est très course au plan moteur,  elle l’est encore plus coté partie cycle : ce cadre est beau !  En plus il est très bon : on compte les bons points : construction en aluminium mélangeant pièces de fonderie et tubes carrés, bras oscillant renforcé, roue avant de 16 pouces et arrière de 17, jantes Comstar façon course,  freinage à étriers double pistons,  monoamortisseur  Prolink et ….TRAC !

Qu’est ce que le TRAC ? Un anti plongée réglable par molette sur le bras de fourche gauche. 4 positions au programme . Réglable aussi la fourche ( pression d’air ). Enfin le Prolink parachève la leçon de technologie avec un monoamortisseur à biellettes dont la dureté est ajustable via une molette de précontrainte intégrée sous le cache latéral droit .

Le double berceau est large, et le réservoir est fixé dessus comme sur les machines d’usine. Il épouse la forme des poutres supérieures.  Fantasme ! De meme que la jonction avec les caches latéraux ou encore le galbe abritant le pot de détente supérieur sont autant d’images évocatrices pour les amateurs de l’époque !  Meme la béquille latérale a droit à son carénage perso !

On note aussi l’apparition d’une batterie compacte sans entretien .

Avec une chasse de 100 mm et une jante de 16 pouces, la NSR vise l’agilité. Elle imite parfaitement la machine de Spencer avec un poste de pilotage qui donne l’impression ( nouvelle à cette époque ) de rouler avec la tete au dessus de la roue avant . La posture sur la moto est regroupée, on ressent une moto courte du nez  pour  privilégier l'entrée en courbe et la maniabilité. Si l'équilibre des masses est légèrement orienté sur le train avant à vide, nul doute que la position va charger le train antérieur une fois le pilote en place.  De la géométrie façon Spencer !

Une voix ......ridicule !

La moto est petite mais on est pas recroquevillé quand on s’y installe.  La position est confortable. En sortant le kick ( que l’on manipule pied nu tant la compression est faible ) vient une déception ….le son des 3 silencieux est ridicule .  Mélange de scooter bricolé et de tasse à café à pot détente …… Heureusement en prenant du régime, ca va mieux !
 
Première, petit klong…on le verra, la boite n’est pas exceptionnelle. Mais pour le reste, la moto est très souple, la mécanique affiche une bonne disponibilité. L’embrayage est souple et il est inutile de faire cirer longtemps pour décoller . 
 
On évolue sur la souplesse de V3 vers 4 000 mais sans réelle puissance. Rouler en ville est facile. Les bracelets sont au dessus du té de fourche, la moto est fine, le moteur docile à défaut d’etre méchant . La grande bulle coupe bien l’air et tout est sous contrôle.

Il faut attendre 7000 pour que la NSR se dévoile . Là jusqu’à la zone rouge, la poussée est franche et copieuse mais jamais brutale. C’est un vrai 2 temps racé, vif et rageur mais façon Honda : pas de débordement incontrolable, on maitrise ce qui se passe. La NSR abat le 400 mètres en 12’6 ! Plutot  méchant pour une 400 ! La vitesse maxi est de 210 km/h . Les accélérations sont franches si l’on reste dans la bonne plage et la NSR déménage franchement.  Mais avec un caractère lissé, civilisé. Dès que les courbes arrivent, on comprend vite que cela est un avantage : l’arrivée des chevaux ne perturbe pas le châssis avec leur distribution progressive entre 7 et 10 000 tours, on peut ouvrir sur l'angle et ressortir comme une balle.  Malheureusement la boite est un peu lente, son maniement est dur, et il arrive que le second rapport saute ( surtout sur les motos de la première année ) , plutot désagréable, mais l’élasticité du V3 compense.

Devant vous, le gros compte tours central reste toujours dans l’axe de vision pour vous indiquer la plage ou elle pousse… l’aiguille rouge balaie facilement les graduations avec ces hauts régimes survitaminés.

Emmenée à bon rythme, la NSR est un jouet   Saine, piquée sur l’avant, vive tout en restant imperturbablement stable, le moteur hurle au travers des 3 pots, mais ce n’est pas lui qui impressionne le plus, car le potentiel de sa partie cycle parait surdimensionné par rapport à la puissance du  moteur !
 

Une école de pilotage !

La NSR offre un comportement moderne , équilibré et un feeling de précision rarement atteint à l’époque.Avec cette petite roue de 16, on est basculé sur l’avant comme sur une 500 de Grand Prix. La moto est vive au changement d’angle . Il faut d'ailleurs faire attention dans les grands ronds points car vous allez «  tomber » dans l’angle plus vite que prévu !

Le train avant guide bien et la fourche ménage le confort tout en se permettant d’encaisser les freinages énergiques du double disque de 256 mm . Et ceci meme quand Freddie se jette sur le levier à fond vers 220 compteur et rentre dans l’angle toujours en plein freinage sans que le chassis ne cherche à se relever.   Le Prolink réglé ferme apporte une jonction pneu – piste  parfaite à l'accélération

La moto ne plonge pas au freinage, elle n’ondule pas sur les remises de gaz, ni ne se cabre à l’arrivée des chevaux. Avec cette neutralité, elle vous laisse vous appliquer sur les bonnes trajectoires. En 84, cette partie cycle est une sorte de révolution. Les 189 kg tous pleins faits n’expliqueront pas tout , c’est la conception même de la NSR qui fait évoluer les standards du comportement. Plus tard, la RC 30 fera de meme, mélant agilité et équilibre, vivacité et neutralité.

La NSR accepte d’etre menée d’une pression sur les reposes pieds, ou si vous vous appelez Freddie Spencer, en déhanchant. Freddie, notre essayeur du jour, nous confiait d’ailleurs avoir retrouvé un feeling proche de celui de sa 500 avec des glisses de l’arrière facilitées par un avant rivé au sol, un dosage global très facile et une coordination moteur – cadre très homogène !  Ses passages dans le virage de la Sainte Baume le prouvaient d’ailleurs !

Trop chère à sa sortie

La NSR est une machine qui n’a pas marqué par son potentiel de surpuissance, mais qui est plutôt orientée sur l efficacité générale. Pour une Grand Prix réplica, c’était un léger handicap quand tout le monde rêvait de la puissance inmaitrisable des 500 de GP. Et puis son tarif proche de celui des 750 de l’époque a sans doute refroidit les clients . Lancée à 36 011 Fr ( elle atteindra meme 37 400 fin 85 ) elle vaut 9000 F plus cher qu’une 350 RDLC et une 900 Ninja coute à peine 3000 F de plus ! Dommage pour tous ceux qui ont raté une sacrée sportive, parfaite école de pilotage et de précision, la NSR était franchement en avance. Aujourd’hui, les exemplaires sont rares, n’hesitez pas, c’est une machine au caractère affirmé et à la facilité de conduite vraiment réjouissante ! Ce n’est pas Fast Freddie qui nous contredira. Sur le Paul Ricard il a roulé jusqu’à la panne d’essence !

Les plus
  • Chassis
  • Image Grand Prix 500
  • Exclusivité
Les moins
  • Moteur un peu pointu
  • Boite lente
Équipement
Vidéo: