Alors que Vespa entre dans un tournant de son histoire avec la présentation de l’Elettrica en ce printemps 2019, le premier scooter électrique équivalent 50 cm3 produit par une grande marque, revenons sur la généalogie de ces véhicules qui ont marqué l’histoire de la mobilité urbaine…

23 avril 1946, midi : « This is a revolution », aurait dit le regretté Steve Jobs ! En effet, Piaggio dépose le brevet du Vespa, qui sera commercialisé dans l’année. Un scooter parmi d’autres, peut-être. Oui, mais non. Car le scooter, ça existe depuis toujours : si l’on part du principe qu'un scooter dispose des éléments suivants, plancher plat, cadre ouvert et les genoux qui peuvent se toucher, alors on peut même dire que les premières motos de l’histoire étaient en fait des scooters ! Le scooter est commercialisé massivement dans nombre de pays depuis 1920, l’anglais Unibus, par exemple, porte déjà en lui les éléments essentiels du genre. Même en Italie, le Vespa n’est pas si novateur que cela : le Simat (1940) et le Gianca Nibbio (1946) ont tracé les grandes lignes dans lesquels il n’a plus qu’à s’engouffrer. Nous dirons dans ce texte "le" Vespa, pour "le" scooter, même si il est commun de féminiser ce modèle (la preuve dans notre titre !).

Dessiné par un ingénieur aéronautique

Créée en 1884, la firme Piaggio est spécialisée dans le matériel maritime, le matériel pour les chemins de fer et l’aviation (le groupe Piaggio Aviation, distinct de la branche motocycliste, existe d’ailleurs toujours et il produit notamment l’Avanti, un avion bimoteur à hélices, aux performances d’un jet). Or, Piaggio est confronté à un vrai problème : la paix a pour principal défaut de ne pas faire tourner les usines de fabricants de matériel militaire ! En 1946, l’ingénieur aéronautique Corradino d’Ascanio conçoit donc un petit deux-roues. Or, ce bon Corra déteste les motos, qu’il trouve salissantes et fastidieuses à réparer. 

Il va donc appliquer des recettes tellement géniales de simplicité qu’elles apparaissent comme des évidences : une coque en tôle, une roue de secours sur le côté pour faciliter la problématique des crevaisons, un changement de vitesse au guidon… Pour la fourche, l’ingeniere Corradino ne s’embête pas : il reprend la cinématique d’un train d’atterrissage d’avion. Et le petit moteur 2-temps de 98 cm3 est lui aussi un modèle de simplicité. 

Le Vespa séduit immédiatement la presse et le public. Pourtant, il n’était pas parfait : le changement de vitesse au guidon, à poignée rotative, était d’une imprécision notoire, tandis que la tenue de route, avec le moteur en porte à faux côté droit, n’était pas non plus un modèle de rigueur.

Des débuts en douceur, et puis soudain…

Certes, en matière de scooters, la perfection n’existe pas et l’on peut dès lors se demander ce qui a fait le succès du Vespa, qui est devenu l’archétype du genre, et qui vu quasiment tous ses concurrents s’effondrer les uns après les autres. Evidemment, c’est la justesse du concept, mais des scooters, il y en avait pléthore à la sortie de la Seconde Guerre mondiale (on vous conseille d’ailleurs la lecture très instructive de l’excellent ouvrage de notre confrère Didier Ganneau, Une histoire du scooter, paru aux éditions EPA en 2016).

Piaggio a pourtant écrasé tous ses concurrents : sa puissance industrielle, l’apparition rapide d’un système de vente à crédit et des campagnes publicitaires aussi massives que bien ciblées, l’évolution permanente des modèles, tout ceci a contribué à la progression rapide de l’engin. Sans oublier une stratégie d’internationalisation dès les premières heures : le Vespa a en effet été produit au en Inde (avec Bajaj, puis LML), en Indonésie, à Taiwan, en Espagne. Mais aussi en Grande-Bretagne, chez le fabricant de motos Douglas, dès 1951. Sans oublier les fameuses Vyatka russes, construites entre 1956 et 1966… de manière illégale, car sans aucun accord de la part de Vespa. Comment dit-on « plagiat » en russe ? 

Et puis, il faut bien le dire : il y a eu le petit coup de pouce du destin. On ne peut nier, en regardant les chiffres de vente, qu’une forte inflexion à la hausse a eu lieu après le film « Vacances romaines » avec Gregory Peck et Audrey Hepburn, même si le Vespa est ensuite apparu dans de nombreux autres films… voire a eu quasiment son opus, dans « Quadrophenia », opéra rock écrit par les Who, qui décrit si bien la culture des Mods en Grande-Bretagne. 

La puissance industrielle de Piaggio a fait le reste, pour atteindre plus de 18 millions d’exemplaires produits à ce jour. Ensuite, en 2-T ou 4-T, de 50, 90, 100, 125, 150, 180, 200, 250, 300 cm3, avec ou sans vitesses, avec des petites carrosseries ou des plus larges, sur des circuits de vitesse ou au départ du Paris-Dakar (en 1980, avec deux Vespa à l’arrivée sur quatre au départ !), en véhicule de vacances ou en engin militaire, le Vespa a tout vécu. Et ce, sans prendre une ride : on a récemment essayé le 300 GTS Hpe, le plus puissant de toute l’histoire, et c’est toujours aussi craquant ! 


Le Vespa en quelques dates

Impossible de résumer toute l’histoire de la marque de Pontedera (l’usine y a été construite en 1921), mais ces quelques dates permettent de dresser les grandes étapes de l’évolution. On vous a aussi mis quelques photos de modèles exotiques dans la galerie. Lequel préférez-vous ?

  • 1946 : première année de production, 2484 exemplaires. 
  • 1947 : le modèle de 98 cm3 est secondé par un 125 et ça décolle, avec 10353 ventes ; cette même année, Vespa fait un modèle 98 « Corsa Circuito », de couleur roige, destiné aux course sur piste ! 
  • 1948 : 9500 exemplaires vendus. 
  • 1949 : le 98 cm3 disparaît et laisse sa place uniquement au 125 ; à ce moment là, la compétition est tellement importante pour promouvoir des véhicules que Vespa fabrique des châssis de course construits entièrement en aluminium.
  • 1950 : le 7 avril, Vespa bat des records à Monthléry : les 10 heures sont couvertes à 134 km/h de moyenne, les 100 miles à 129,7 km/h, les 1000 km à 124,3 km de moyenne. On admirera le carénage de l’engin ! 
  • 1951 : Vespa produit carrément un Streamliner, le Siluro, entièrement caréné et profilé, qui abat le kilomètre lancé à 171,1 km/h ! 
  • 1952 : le Vespa Club a déjà 50 000 membres ! Le film « Vacances à Rome » lui donne un coup de boost international. 
  • 1953 : La preuve : Vespa vend 100 000 exemplaires cette année-là, les ventes décollent réellement. Vespa sort aussi le modèle U, pour « utilitaire », une version dépouillée et vendue à seulement 7000 exemplaires, et qui place le phare sur le guidon et non plus sur le garde-boue. C’est une rareté aujourd’hui très recherchée par les collectionneurs. 
  • 1955 : Vespa fabrique un 150 cc attelé à un side-car
  • 1956 : modèle TAP militaire avec un canon de 75 mm. Le cap du million d’exemplaires vendus est franchi. 
  • 1957 : la voiture Vespa 400 se vend à 30 000 exemplaires la première année de sa commercialisation
  • 1962 : Salvador Dali en décore un, qui sera exposé à l’exposition « the Art of Motorcycle » du musée Guggenheim de New York. 
  • 1963 : introduction du 50 cm3 pour les jeunes 
  • 1967 : le Vespa vole ! En tous cas, le Vespa-Alpha est un scooter-hélicoptère, dans le film « Dick Smart, Agent 2007 » ; cette année-là, apparition du Primavera, au châssis allongé, pour le transport confortable d’un passager. 
  • 1968 : modèle 180, plus puissant
  • 1970 : pour se conforter à la législation française sur les cyclomoteurs, le modèle 50 adapte des pédales. C’est d’un chic ! 4 millions de Vespa sont vendus.
  • 1972 : apparition du moteur 200, plus puissant
  • 1978 : apparition du PX 125, qui innove avec sa nouvelle suspension avant. 
  • 1985 : modèle T5, au look plus carré (phare), supposément plus moderne. 
  • 2005 : arrivée du GTS, avec la carrosserie large. 
  • 2008 : et du GTS 300, plus sportif
  • 2014 : la technologie moderne arrive dans les Vespa, avec l’ABS et l’antipatinage ASR. 
  • 2012 : lancement de la version 946 très style et encore plus chère ; elle aura droit à sa livrée Armani en 2015
  • 2019 : lancement du GTS 300 HPE, le plus puissant des Vespa, avec plus de 23 chevaux.