Royal Enfield évolue et présente une nouvelle plateforme, les 650 bicylindre Interceptor et Continental GT. Toutes deux reprennent des dénominations historiques de la marque anglo-indienne, mais la Continental fut surtout une 250 monocylindre au milieu des années 60.

L’allure y est, le nom aussi, le patrimoine historique, évidemment : la nouvelle Royal Enfield Continental GT 650 a pour mission de reprendre le flambeau de son ancêtre, à savoir être une moto simple mais attachante, et pas dénuée de prestations gentiment sportives. Au programme, moteur coupleux, moto fine au gabarit contenu, et une position de conduite gentiment basculée sur l’avant.

1964, Royal Enfield pense aux jeunes !

On l’a dit dans un précédent article consacré à l’histoire des Royal Enfield Interceptor, les années 60 sont vraiment délicates pour la firme de Redditch (Grande-Bretagne). Alors que la production des Bullet 350 est stoppée et délocalisée en Inde, alors que la gamme des bicylindres (Constellation puis Interceptor) peine à la fois à se vendre en grand nombre et à se faire un nom face aux Triumph Bonneville et Norton en plus d’être touchée par de gros problèmes de fiabilité sur la Constellation, Royal Enfield va être touché par de gros problèmes de trésorerie dès 1965.

Nonobstant, la marque pense quand même à se relancer via une cible essentielle : les jeunes ! Ces mêmes jeunes qui sont touchés par une loi de 1961 visant à limiter l’accès à la puissance pour les nouveaux permis (comme quoi, ce n’est pas nouveau !).

La plus performante de son époque

Royal Enfield a alors en stock un « nouveau » moteur, conçu au milieu des années 50, et qui est utilisé sur la 250 Crusader, une moto assez basique dans son esprit (elle ressemble à une Bullet en réduction) et qui joue un peu un rôle de machine utilitaire, avec sa puissance de 13 ch à 5750 tr/mn. On est d’accord, c’est un peu juste pour faire rêver des jeunes qui ne vont pas tarder à découvrir les délices du rock’n roll ! 

De fait, sur cette base, Royal Enfield développe la Continental GT fin 1964 : le mono cylindre est porté à 21,5 chevaux, ce qui constitue un beau rendement spécifique pour un petit mono 4-temps à l’époque. Et elle avait fière allure avec son réservoir aux flancs creusés et réalisé en fibre de verre, ses guidons bracelets, et sa selle présentant un petit dosseret, comme sur les motos de course ! 

Autre innovation : la Continental GT recevait une boîte à 5 vitesses (une première pour une 250 à l’époque en Grande-Bretagne) et sa vitesse de pointe frôlait les 140 km/h, ce qui n’était pas ridicule sur un réseau routier composé principalement de petites routes.

Royal Enfield organisa d’ailleurs un lancement en grandes pompes, en invitant quelques journalistes à relier deux extrémités de la Grande-Bretagne, la pointe de John O’Groats (au nord de l’Ecosse) jusqu’à Lands End (pointe au Sud de la Cornouailles), le tout en moins de 24 heures et sans prendre des autoroutes qui, de toute façon, n’existaient pas, mais pas sans faire deux petites escales sur des circuits rencontrés sur l’itinéraire. 

Qu’une « simple » 250 puisse réaliser un tel périple de plus de 1300 kilomètres quasiment d’une traite en disait long sur son niveau de performances et le succès fut au rendez-vous, avec plus de 1000 machines vendues en 1965. Sa carrière fut courte, cependant, puisqu’elle prit fin en 1967.

Esprit, es-tu là ?

L’esprit, il fut repris par la Continental GT 535 produite de 2013 à début 2018 : sur une base de moteur de Bullet (un petit peu !) amélioré (la puissance passait en effet de 28 à 29 chevaux !), la Continental GT reprenait toutefois l’esprit de la moto des sixties : même lettrage pour les logos sur le réservoir, même couleur, même allure et même esprit, sauf que les performances sont désormais modestes eu égard au contexte, et que le bon cadre Harris (Royal Enfield avait entre temps racheté cet artisan génial de la partie-cycle) est gâché par une monte pneumatique d’origine pas suffisamment performante. Elle a en tous cas permis de rajeunir l’image de la marque, tout en créant un pont aujourd’hui exploité par cette Continental GT 650 qui nous arrive ! 

Sera t’elle à la hauteur de son prestigieux passé ? Avec son bicylindre (pas longue course, hélas, les cotes sont de 78 x 67,8 mm), sa puissance raisonnable (47 ch à 7100 tr/mn) mais son poids relativement réduit (199 kilos à sec) et ses dimensions raisonnables, elle pourrait créer la surprise en procurant du bonheur en barre sur le réseau secondaire !