La moto de la semaine : Ducati 907 IE

Actualité du 22/01/2020 par Philippe GUILLAUME
 

Cette semaine, j'ai roulé sur une Ducati 907 IE de 1991. Je vous explique pourquoi cette moto est importante.

Fut un temps où la majorité des motards avait un idéal : et cet idéal, c'était la crème et la crémière, l'argent du beurre et tout le toutim. La moto à tout faire, celle qui vous en donnait encore plus que votre argent. Au moment où les trails commencent doucement à passer un peu de mode, la sport-GT prend le relais et vivra comme une sorte d'absolu pendant une petite décennie. Les gammes des constructeurs regorgent de modèles, les généralistes comme les spécialistes. Parmi eux, même Buell et Ducati s'y mettent : côté Bologne, la Paso sort en 1986. Pas de chance : elle est ratée : roue de 16 pouces (avec un improbable pneu en 130 à l'avant), générant un comportement hasardeux, finition déplorable, carburateur Weber compliqué à régler. La 907 a l'ambition de redresser la barre et de lui succéder : elle s'améliore sur bien des points, avec une injection électronique et des roues de 17 pouces qui métamorphosent le comportement routier, ainsi qu'un carénage en ABS et non plus en fibre de verre, qui améliore considérablement la finition. 

Ducati 907 IE : sa vie, son œuvre

La 907 IE a réussi son coup : elle est meilleure que la Paso. Mais ça ne suffit pas, car elle n'aura qu'une carrière courte. De fait, la 907 IE n'a été produite que pendant deux ans, en 1991 et 1992, à seulement 2303 exemplaires (à comparer aux 4863 750 Paso produites de 1986 à 1988 et 1802 906 Paso produites de 1988 à 1990). Si elle a été vendue essentiellement en rouge, quelques marchés ont eu droit à d'autres coloris (jaune, blanc, noir, vert anglais) ! Techniquement parlant, les 91 et 92 sont identiques... en théorie, car la magie des fournisseurs italiens a pu voir des machines sortir d'usine avec des périphériques variés...

Succès en demi-teinte, donc. Comment expliquer que cela ? 

D'abord, parce que les chefs à plume de Ducati n'ont pas pensé à un truc : comme elle a globalement la même tête que celle d'avant, pour la clientèle, le mal est fait. Autre point qui explique le succès assez mitigé : la 907 IE s'affichait à un tarif considérablement élevé : 71900 F ! Pour rappel, on avait à l'époque une Suzuki GSX 1100 F à 53215 F, une Yamaha FJ 1200 à 55978 F, une Honda CBR 1000 F à 59989 F, et une puissante Kawasaki ZZR 1100 à 61450 F... 

La blessure est profonde chez Ducati, qui attendra quasiment la fin de la décennie avant de revenir sur le créneau des sport-GT, avec les ST2... 

Ducati 907 IE : trois choses qui m'ont fait kiffer

On n'en croise pas souvent, des Paso ni des 907. Pourtant, à l'essai, c'est une bonne surprise : voici pourquoi, en trois raisons... 

  1. Déjà, le look est quand même fort improbable. On aime ou on n'aime pas, mais entre le gros phare rectangulaire, le carénage totalement intégral, les rértroviseurs proéminents, la bulle traitée façon carrosserie, elle en impose. Elle est quand même très typée, mais on rappellera qu'à l'époque, la Ferrari Testarossa avait marqué les esprits, et quelques préparateurs comme Boxer Bikes défrichait de nouvelles formes avec la Lamborghini ou les Kawasaki Vector, par exemple... 
  2. Malgré son allure, ce qui est étonnant, c'est que l'ergonomie est carrément bien calibrée entre un usage sport et tourisme. La position de conduite est sur l'avant, mais sans excès, avec une selle épaisse ; on se sent bien intégré dans la moto et on a donc plutôt envie d'aller rouler.
  3. Et ça tombe bien : équipée d'échappements adaptables, ma 907 IE d'essai tonne grave et fort, avec ce son typique des Ducati de caractère. Certes, les commandes sont fermes (notamment l'embrayage), le moteur est capricieux à froid et la souplesse toute relative ! Mais une fois sur la route, la 907 IE vire d'un bloc, reste saine sur ses trajectoires, gronde fort et vous tire les bras à l'accélération. Du bonheur en barre ! 

Une Ducati 907 IE aujourd'hui : combien, comment ?

Elle est rare et n'est pas forcément facile à vendre. En même temps, sa cote n'est pas non plus au ras des pâquerettes : une machine en état très correct de présentation et de fonctionnement pourra prétendre à un peu plus de 4000 euros, une moto exceptionnelle à un peu plus de 5000. Pas excessif pour un monument de design, aux qualités routières encore très correctes et au moteur bourré de caractère. Côté fiabilité, c'est d'abord l'accessibilité délicate qui pose problème. Les pièces de carénage s'emboîtent les unes dans les autres et l'avant ne se retire que par des vis cachées dans les rétroviseurs. Evidemment, comme un meuble Ikea, tout ceci prend du jeu au fil des manipulations... Côté faiblesses techniques, on pointera un faisceau électrique qui peut devenir fragile, tandis que la question de l'approvisionnement des pièces est également délicate. Enfin, comme dans toute Ducati, la précision des réglages et la fraicheur des courroies de distribution est cruciale... 

Quelques chiffres clé : 

  • 2 cylindres en V,  4-temps, 904 cm3, 92 x 68 mm
  • injection Weber
  • 90 ch à 8500 tr/mn 
  • 72 Nm à 6500 tr/mn 
  • 225 kilos avec les pleins
  • 220 km/h chrono 

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