Cette semaine, j'ai essayé une Ducati 900 Monster de 1993. Je vous explique pourquoi cette moto est importante.

L'air de rien, c'est elle qui a sauvé Ducati ! On a célébré ses 25 ans l'an dernier, et c'est une longue carrière pour un modèle de moto. Et c'est d'autant plus remarquable qu'à l'époque, Ducati appartenait à Cagiva et le designer Miguel Galluzi conçoit d'abord cette machine pour Cagiva (qui avait le vent en poupe, porté par le succès des trails et des Elefant) ; Galluzi en conçoit même une version avec le moteur de la Ducati 888, mais celui-ci nécessite une grosse batterie et la conception minimaliste du Monster ne permet pas de l'intégrer. D'ailleurs, comment doit-on appeler cette moto ? Ducati voulait garder le nom "Mostro" sur son marché national et laisser "Monster" à l'exportation ; sauf que tout le monde s'est un peu emmêlé les crayons et l'a appelé "Monstro" ! Du coup, Ducati a tranché : ce sera Monster pour tout le monde. 

Ducati 900 Monster : sa vie, son œuvre

La Monster existe dans une pléthore de modèles, de 400 cm3 (pour le marché japonais, qui développe 43 ch) aux 1200 à refroidissement liquide d'aujourd'hui et qui sortent 160 chevaux, en passant par une grande variété de cylindrées (620, 695, 750, 796, 797, 800, 1000, 1100) et de variantes (S2, S2R, S4R, S4RS), plus ou moins sportives, à deux ou quatre soupapes par cylindres, refroidies par air ou par eau, avec ou sans fourche inversée, avec ou sans monobras, sans même parler des séries limités (Diesel... ) ou des versions Dark...

Bref, il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses. Concernant la Monster originelle, celle de notre essai, elle est restée globalement inchangée de 1993 (la production débute en mai de cette année-là) à 1999, la puissance des premiers millésimes (73 ch) grimpa à 80 ch dès 1994. En 1995, un nouvel alternateur fait son apparition et les roues deviennent dorées. En 1996, Ducati entre dans le giron de Texas Pacific Group, la commande de starter migre au guidon, une fourche Marzocchi remplace la Showa, Ferodo apporte de nouvelles plaquettes de frein. Attention au millésime 1997 de la Monster : c'est le moins coté, car la culasse intègre de "petites soupapes" et la moto reprend les carburateurs Mikuni de la Cagiva Elefant, et du coup, elle gagne en rondeur ce qu'elle perd en caractère. Les choses reviennent dans l'ordre en 1998, avec en plus l'apparition d'une Monster S (tête de fourche, nouvelles suspensions plus élaborées, quelques pièces d'habillage en carbone). Ensuite, la Monster 900 passe à l'injection en 2000 (78 ch), devient 1000 en 2003 puis 1100 en 2008, puis 1200 à refroidissement liquide en 2014. 

D'un point de vue technique, on rappellera le génie des Italiens en matière d'assemblage. Outre le coup de crayon, aussi original que magistral, le reste a été puisé sur les étagères de l'usine bolognaise ! En gros, le moteur est celui de la 900 SS que Ducati refourguait déjà à Cagiva pour la 900 Elefant avec la boîte 6 de la Ducati Paso, la fourche vient d'une 750 SS, le cadre et la suspension arrière sont ceux de la 888, les freins viennent de la 900 SS, le phare rond, c'est celui des 900 Darmah 900 des années 70... Joli meccano ! 

Ducati 900 Monster : trois choses qui m'ont fait kiffer

Aujourd'hui, une Monster 797 sort 73 chevaux et c'est une gentille petite moto de débutant. A l'époque, le 900 Monster sortait aussi 73 chevaux et c'était un monstre ! Ça s'explique facilement, et ça explique qu'une 900 Monster des grandes années, c'est le pied ! Et ceci, pour trois raisons : 

  1. Le moteur est plein de caractère : pas très souple, un peu rugueux, il vous balance son couple d'un coup et vous allonge les bras à l'accélération. Bref, le rapport poids-puissance se conjugue au V-twin plein de vie pour vous coller la banane ! 
  2. On fait vraiment corps avec cette moto. Certains détestent cette position de conduite, perso, je l'adore : jambes repliées presque comme sur une sportive, buste basculé vers l'avant, mains posées sur un cintre plat. Parfait pour l'emmener avec détermination dans les virages serrés ! 
  3. Au-delà des chiffres, il y a l'émotion : de nos jours, le concept de roadster sportif est plus que courant. A l'époque, c'était nouveau : entre les premières néo-rétro un peu mièvres (Honda CB Seven Fifty, Kawasaki Zephyr) ou les gros roadsters lourdingues (Suzuki GSX 1100 G), la Monster apportait une nouvelle façon de vivre la route, sans filtre, avec beaucoup de pureté. Aujourd'hui encore, l'équilibre et la justesse des ingrédients vise juste ! 

Une Ducati 900 Monster aujourd'hui : combien, comment ?

Un 900 Ducati, c'est un moteur simple, mais qui ne supporte pas l'approximation. Les gros kilométrages sont possibles avec un peu d'entretien et de savoir-faire. Le problème, c'est que les premières générations de Monster en bel état d'origine deviennnent vraiment rares. Il ne faudra pas espérer en toucher une à moins de 6000 €. Pour l'entretien : soupapes tous les 10 000, courroie tous les 20 000, l'embrayage est un consommable qui tient rarement plus de 40 000 km. Les régulateurs sont un autre point faible...

Quelques chiffres clé : 

  • 2 cylindres, en V, 981 cm3, 92 x 68 mm
  • 2 carburateurs Mikuni, 38 mm
  • 73 ch à 7000 tr/mn
  • 80 Nm à 6500 tr/mn
  • 184 kilos à sec
  • 200 km/h chrono