Quand elle sort la Commando est déjà partiellement vieille … ! La grande nouveauté de Norton, la nouvelle 750 présentée fin 1967 au salon d’Earls Court utilise un twin culbuté dont le dessin remonte à 20 ans. Un moteur peu fiable et daté…….ca commence mal pour celle qui doit sauver l’Empire Britannique.

Comment contourner un problème .

Ce moteur est un ancêtre. Il équipait déjà l’Atlas de 1948. Pour résumer, il est au bout de ses capacités de rendement et donc il vibre terriblement dès 2000 tours ce qui engendre des soucis multiples de fiabilité.  Or, avec l’arrivée des Japonaises la réputation des vibrations des Anglaises et leurs fuites a fait baisser les ventes. Créer un nouveau moteur est inabordable, il faut faire vite et pas cher  .  Stefan Bauer directeur technique ex Rolls-Royce et Bob Triggs vont proposer de contourner le problème … typiquement Anglais !

 S’il vibre et qu’on ne peut rien y faire techniquement, si ce moteur ne peut évoluer alors ,si on ne peut pas en concevoir un autre,  autant faire croire au pilote que les vibrations ont disparu ! … C’est ainsi qu’un nouveau cadre très malin va naitre : il suffit d’isoler le pilote !  Si les silents blocs sont connus, l’équipe Norton va beaucoup plus loin .  Le cadre est architecturé en 2 parties : au dessus une épine dorsale très rigide faite de tubes droits de grosse section, au dessous, l’ensemble moteur-boite-suspension arrière-échappements monté « suspendu » sur de gros blocs de caoutchouc… ca s’appele l’Isolastic. Le pilote assis au dessus ne sent pas comment ca vibre en dessous…

 Ce principe malin, astucieux et simple engendrait une complexité de  réglages complexe et un entretien rigoureux.  Des pastilles calibrées pour régler le jeu : 0,13 ; 0,25 ; 0,50 et à,75 mm étaient disponibles. L’entretien du silent bloc avant pouvait se faire sur établi, celui du bloc arrière imposait de déposer la transmission primaire …..et cela en théorie tous les 5000 km … il faudra attendre la dernère version en 850 pour voir apparaître enfin des réglages filetés autrement plus simples ! 

D'avant ou d'arrière garde ?

Né en 500  le twin de la Commando est un Anglais classique : calé à 360°, lubrification à carter sec, et boite de vitesses à 4 rapports séparée !  Il est monté incliné de 20° vers l’avant pour dégager de la place sous l’épine dorsale. L’embrayage est multidisques à sec et la transmission primaire est confiée à une chaine triple. La boite est une AMC ( commune à d’autres modèles du groupe ) , elle fut conçue en 1935 .  Si Norton annonce 58 ch à 6500, il vaut mieux tabler sur 48/50.

Mais surtout ce moteur vibre. Beaucoup, tout le temps et il semble que le groupe NVT ( Norton Villiers Triumph ) ait en plus de gros soucis de constance de fabrication et de qualité d’usinage.  Pour la dernière version, lors du passage en 850 en 1973, il héritera de carters centraux nervurés plus solides. La 850 ( 828 en réalité ) sera l’évolution ultime de ce moteur initialement monté sur la 500 Model 7 de 1948 !

Les premières Norton Commando de 850 cm³ sortent en avril 1973. Les moteurs n’apportent pas plus de puissance que ceux de la 750 cm³, ( 2 chevaux de moins 600 tours plus bas ( 5800 tr/mn ) 

En 1975, on notera enfin l’arrivée d’un démarreur électrique qui a une espérance de vie très courte. Le kick reste présent, et c’est tant mieux. Avec ce kick, un frein arrière à disque, de nouveaux instruments ..et le sélecteur à gauche !

La machine que nous essayons aujourd'hui appartient depuis 30 ans à la meme personne, elle a donc été suivie et modifiée pour un usage permanent . La démarreur a été changé car il existe des modeles fiable aujourd’hui (US)

La transmission Triplex a été changée par une courroie

Changement soupapes et guide pour des éléments plus modernes, avec la possibilité de rouler au sans plomb

Enfin une roue arrière de 18 pouces plus large a été montée pour  améliorer le choix des pneus ( 19 d'origine ) 

Ligne désignée

Si le moteur est une reprise, si le chassis est une innovation interessante mais qui intrigue, il est un point indéniable qui fait l’unanimité : la ligne de la Commando ! Wolf Ohlins d’une agence de design londonienne imagine le dessin Fastback remarqué par la forme de son dosseret de selle.

La ligne horizontale du bas de réservoir et de la selle est rythmé par l’angle similaire de la ligne des carters latéraux, des amortisseurs arrières et du banc de cylindres.  Tout a le meme angle et c’est ce qui donne cet air élancé. La Commando est belle, au lancement la pub etait the best motorcycle over the world

Pendant les 10 ans de sa production  la Norton Commando (750 cm³ et 850 cm³) a été populaire dans le monde entier. Au Royaume-Uni, elle a remporté la distinction de « Machine de l'année » pendant 5 années, de 1968 à 1972 et 60 000 Commandos ont été produites. 

Au guidon et sans trembler !

Certaines rencontres sont intimidantes. La Commando en fait partie .  Pas uniquement parce que pour un motard moderne la boite est TOTALEMENT inversée : A droite et 1ère en….haut .

 Non la rencontre d’une machine vraiment mythique est toujours un moment à part. La Roadster de 1974 que nous avons sous les yeux est sublime de classicisme : noire et or, on s’amuse de ses instruments typiquement Norton, séparés et fixés sur les tubes de fourche. Le réservoir de 11 L confère une ligne fine.   Le banc de cylindres inclinés, l’espace vide sous les carburateurs, le carter moteur droit en forme de trèfle …..mythique

 Titiller les carbus Amal jusqu’à ce que l’essence dégueule, déployer le kick, appuyer énergiquement jusqu’en bas sans trop de gaz…..et ca y est le twin vous parle avec cette voix grave…..et ce rythme inimitable lent et régulier. Notre modèle a un allumage électronique Boyer, le démarrage est plus facile et le ralenti hyper stable.

 La machine est étroite et légère.  Les pieds positionnés en avant.

 Puis vient le moment de grande concentration pour ne pas rater son envol : lever le pied droit , verrouiller la première et ne pas caler .  L’embrayage est raide, mais le moteur tellement docile. Heureusement il n’y a que 4 rapports, et il faudra se concentrer à chaque changement de vitesse pour ne pas faire de bétise .

 Le twin culbuté à 360° est incroyablement présent, 2 mm de gaz et vous décollez.  Deuxième, troisième sur le filet de gaz, puis ….il faut bien finir par ouvrir pour savoir si la légende est vraie.  La Commando vous file immédiatement une baffe .  Ca pousse, sobrement, avec force, sans envolée lyrique, Chaque tour minute vous propulse. On passe la 4 en ….appuyant sur le sélecteur.

 Entre 2500 et 4500 vous repartez comme un boulet de canon à la sortie de n’importe quel virage .  Et …….bien souvent sur le rapport supérieur : bienvenue dans le monde de la Commando . Cette sensation unique ca s’appele le couple et la démonstration est impressionnante ! Inutile de prendre du régime pour  se faire allonger les bras.  C’est agréable et diablement efficace. Vous ne sortez pas des virages, vous vous en arrachez.

 Malgré la découverte de la conduite à l’ Anglaise, vous aurez déjà noté l’absence totale de vibrations .  Juste le rétro qui vibre quand on coupe les gaz.  L’Isolastic ca marche, et même très bien !

 Alors, il vous prend l’envie d’aller un peu plus loin :  le vieux bicylindre sait aussi prendre des tours.  Plus de 6000 . La 850 bénéficie de carters renforcés plus résistants que ceux de la 750. Elle sait le faire mais ce n’est pas ce qu’elle préfère . La poussée est régulière, mais le plus enthousiasmant reste la tranche 2500 -4500. Une merveille au son d’un moteur qui gronde. Attention, un freinage arrive, j’enfonce le pied gauche pour freiner et je relève le droit pour rétrograder ……Ah ces Anglais ! 

Fine, vive, précise

Le chassis ne fait pas que filtrer les vibrations du moteur , il est aussi précis, rigide, et autorise des vitesses de passages en courbe plutot élevées.  La Commando s’emmène assez facilement ( surtout avec le grand guidon ) et en fait il suffit de couper les gaz, de jeter les épaules vers l’intérieur et de rouvrir en grand . Hop vous sortez de cette courbe comme une balle, sourire aux lèvres !

 Le freinage upgradé de notre version est plutot conciliant.  Il apporte plus de puissance pour rouler sans angoisses.  La moto de série n’était pas au dessus de tout soupcon avec son disque Lockhed.  

 Le grand atout de la Commando c’est de vous amener à chercher des routes à enfilades, avec des remises en vitesse, en économisant les changements de rapports ( les 3èmes et 4èmes rapports suffisent )  le tout  rythmé au son bien profond des échappements plutot libres.  Inutile de regarder le compteur, tout est cannibalisé par vos sensations, et elles sont décuplées par le ressenti unique de la poussée des 823 cc ! 

Le plaisir du couple est dans le caoutchouc !

Une Commando saine c’est génial, une déréglée c’est horrible . Tout vient de ce fameux système Isolastic. Bricoler ? c’est interdit ! Il faut vraiment la confier à un spécialiste reconnu . Idem pour l’entretien moteur . Pas franchement fragile en usage collection , le twin Anglais vous portera aussi longtemps que vous lui accorderez respect et attention . Franchement, en l’essayant le mythe et la magie opèrent toujours . La boite inversée, l’entretien, ce chassis aux réglages mystérieux, pas grave. Juste le plaisir de rouler sur une des dernières Anglaises historiques, rouler différent , se propulser d’un virage à l’autre sur un simple mouvement de poignée. La Commando est hors du temps, le son de ce twin et sa santé vous feront vivre un moment unique. Et c’est bien cela que l’on cherche avec des machines de collection . De l’irrationnel fantastique !

Les plus
  • Motorisation sensationnelle
  • Partie cycle très saine si réglée
  • Charme indémodable
  • Ligne classique
Les moins
  • Compétences techniques requises
  • Fiabilité si bricolée
  • Entretien suivi
Équipement
  • Un kick
  • Des tonnes de couple !
Vidéo: