Depuis sa création, le Championnat du Monde Superbike a été régulièrement animé par Ducati. Le règlement, fait par des Italiens, facilitant la vie des bicylindres Ducati (notamment avec une cylindrée supérieure à celle des 4 cylindres : 1000 contre 750), Honda a fini par vouloir démontrer qu’il savait aussi faire des V2 de très haut niveau pour battre Ducati avec ses propres armes ! Et la VTR SP1 fut. Après la RC 30 puis la RC 45, la RC 51 (son nom de code) avait un sacré défi à relever...

Démonstration de savoir-faire

Honda est le meilleur motoriste au monde. Après avoir brillé en compétition avec un V4, la firme a souhaité démontrer son savoir-faire technique en construisant un modèle pour répliquer aux Italiennes avec les mêmes armes qu'eux. Et voilà comment on construit un V2 sauce HRC...

Donc après la "simple" VTR de route fut présentée la VTR SP1 code RC 51 au Mondial du deux-roues à Paris fin 1999. Là on ne rigole plus ! 

Cette SP1 était en fait le premier V2 4-temps racing japonais étudié en priorité pour le championnat mondial Superbike, une sorte de protype homologué comme pour la RC 30.

Si de nombreux observateurs ne donnaient pas cher des chances de Honda face à l‘ogre Ducati (un peu protégé par l’organisateur du SBK notamment avec des règles plus souples pour les Italiens),  tous les autres constructeurs restaient avec des 4-cylindres plutôt que d’affronter Ducati. Pour relever le gant, Honda donne dans le très haut degré technologique : cadre alu hérité des GP 500, moto courte, compacte, avec un double radiateur latéral pour évacuer les calories d’un moteur 100 % inédit. Super carré, il promet des chevaux à haut régime avec une injection assez sophistiquée. Sa transmission primaire hérite d’une cascade de pignons hyper coûteuse à fabriquer mais bien plus précise à hauts régimes, une prise d’air forcé entre les phares, et 136 ch en version libre (le kit HRC atteint 163 ch et les motos d’usine arriveront à 180). On remarque ses carters en magnésium, ses bougies iridium de série...

La RC 51 fait bien partie des plus nobles pur-sang Honda !

Dès sa sortie, la SP1 est surveillée, c’est Colin Edwards qui lui donne sa première victoire dès le début du championnat 2000. Elle marche plutôt très bien cette première V2 sportive de Honda ! D’ailleurs, sa première saison sera spectaculaire : titre mondial Superbike, victoire aux 24 Heures du Mans et aux 8 heures de Suzuka.

Alors, finalement les V2, on peut aussi les cuisiner façon Sushi, pas uniquement façon Ravioli ! 

L'esprit de la course

Posée sur sa béquille latérale, la SP1 impressionne. Plus qu’une sportive, c’est une machine spécialement construite pour s’aligner en Superbike à laquelle on a affaire. 

La ligne est pour le moins réussie, le rouge Honda est flamboyant, relevé avec cette aile noire qui traverse la moto. Un détail captive : l'énorme prise d'air triangulaire entre les optiques de phare. Une prise d'air forcée monstrueuse.

Comme pour symoboliser son moteur V2, tout est symétrique : deux silencieux, deux phares, deux feux rouges, deux radiateurs. La moto a le nez court et la selle pointe vers le ciel avec une superbe finition noir mat. Il y a des repose-pieds passagers, mais c’est presque une blague ! La qualité de fabrication est superbe, le poids un peu élevé avec 200 kg à sec. Avec les radiateurs latéraux, elle est plutôt large pour un V2, la machine est râblée. 

La position est sans équivoque : basculée sur les bracelets. Le réservoir est large, court. La tête au-dessus de la roue avant, les bras très écartés : c’est comme si vous la preniez à bras le corps. Vous savez immédiatement que votre position n’est pas celle d’un touriste à la découverte de la campagne. Ça va être un peu plus sportif comme voyage ! 

Contact. Le bloc d’instruments numérique s’anime. Un coup de gaz et le moteur bondit sans inertie. Le compte-tours baregraph saute dans le rouge. Il aboie ce V2 !

Ramenez votre jambe sur le repose-pied haut et en arrière, et enclenchez la première, avant de relâcher l’embrayage hydraulique… 

Colin, Nicky, Joey, Valentino...

De nombreux pilotes ont utilisé cette SP1 : Edwards, Rossi (8h de Suzuka), Joey Dunlop, Charpentier, Gimbert, Costes, Ben Bostrom, Nicky Hayden… et vous !

Même si Honda sait faire des machines douces, nul doute n’est permis. La SP1 est rigide, vive, le moindre millimètre de gaz vous propulse ! Le V2 est rugueux mais ne pilonne pas, il tracte puis s’envole après 6000. Là, c’est une moto de course. De 6 à 10 000 ça pousse vraiment. La SP1 se raidit et la jolie moto aux lignes tendues va vous demander de l’application et de la force...

Un cadre très rigide, une moto haute avec des suspensions tarées dur, cela donne des réactions vives, et, paradoxalement pour un V2, c'est une moto lourde à mettre sur l’angle. La fourche droite, les suspensions raides, le large pneu arrière (190 mm) vont vous faire sortir le manuel de pilotage. La SP1 se mérite ! 

Sacrément exclusive !

Pour aller vite, il faut franchement s’en occuper. Je freine (très puissant l’avant) en ligne, puis je relâche au début de l’inscription sur l’angle sinon la SP1 ne tourne pas. Je vise l’intérieur en sortant la hanche, et je pousse avec la main intérieure sur le bracelet pour inscrire en contrebraquant. En positionnant mon buste vers la corde, je sors le genou en appuyant sur le repose-pied, puis dans la seconde, je regarde de suite le point de sortie pour réaccélérer en relevant. Il faut plus de cerveau que d’improvisation, c’est une moto de pilote qui est délicate sur route. La SP1 ne se conduit pas, elle se pilote avec un peu de force. Surtout que le V2 est une catapulte. Il pousse dans un souffle grave, avec des envolées jusqu’à la zone rouge en un clin d’œil. Quelle pèche ! Rien à voir avec un 4-cylindres. C’est expressif, joyeux !

Comme la position est très en avant, le moteur ultra vif et le freinage très puissant, vous êtes en pleine séance de musculation. La suspension arrière est rêche, celle de l’avant est vite écrasée par le freinage hyper tonique.

En revanche, comme sur toutes les motos physiques, le bon côté des choses, c’est que le train avant vous emmène sans aucune surprise, il ne se dérobe ni ne sous-vire jamais. Une fois le mode d’emploi assimilé, on pilote jusqu’à l’épuisement de la concentration et des muscles. Sinon, on ne sent pas et c’est la SP1 qui décide pour vous.

Mais pour être sacrée autant de fois en course, il fallait ça ! 

Le prestige d'une vraie Superbike

L’objectif était de battre Ducati, c’est fait ! L’objectif était de démontrer que Honda savait aussi faire des V2, c’est fait, le moteur est top ! L’objectif était d’en faire une sportive à la frontière du Superbike, c’est fait, la SP1 ne se conduit pas comme une "vulgaire" VTR, elle se pilote. Moralité, si vous voulez une plus plus jolies Honda des années 2000 et que vous êtes prêt à supporter ses exigences, n’hésitez pas, elle est superbe, performante, attachante et rare ! D‘ailleurs, celle qui nous a servi pour cet essai est à vendre, contactez marcherasyoann@hotmail.fr. La SP1 (et sa variante SP2) sont des cas uniques dans la généalogie Honda, des V2 de Superbike utilisables sur la route. Quel prestige !

Les plus
  • Performances
  • Rareté
  • Prestige
  • Exclusivité
  • Esthétique
Les moins
  • Rarement d'origine (modif. des pots etc.)
  • Physique à emmener
Équipement