Pour certains le courant néo-rétro n’est qu’une pâle copie pour bobos branchés. Pour d’autres, c’est une manière de rouler stylé, différent, avec des engins dans l’esprit de l’authentique… Nous rajouterons, en étant libre des contraintes mécaniques liées aux vraies anciennes ! Élégante. Un mot rarement employé pour une machine actuelle que l’on appelle plutôt racée, agressive, ou bêtement pratique ! La W 800 n’est pas vraiment actuelle, et pourtant elle l’est franchement. La preuve ? Injection électronique d’un côté, mais grip-genoux en caoutchouc sur le réservoir de l’autre ! Encore ? Gros compteurs à aiguilles, mais totalisateur kilométrique digital ! Est-elle à la croisée des mondes en mélangeant subtilement 2 époques ?

Arrière petite-fille de Meguro !

La W 800 Spécial Edition que nous a confié Kawasaki France est une vraie nouveauté 2013. Pourtant, sa genèse remonte au début des années 2000 avec la W 650… qui remonte, elle, à la W1 des années 60... elle-même reprise de la Meguro 650 ! Petit historique d'explication…

Au milieu des années 50, il existe une foultitude (plus de 30) constructeurs Japonais. Une marque dénommée Meguro produit alors une routière équipée d’un twin 500 appelée Senior. Cette mécanique est très inspirée des twins Anglais : Triumph et BSA A7 puis A10. Elle équipe la police Japonaise.

Dans les années 60, Meguro fait évoluer son modèle vers une cylindrée de 624cc, mais connaît des difficultés financières.  Kawasaki Aircraft qui a commencé son activité moto en 1949 (sous le nom de Meihatsu) se porte acquéreur de la marque et récupère modèle et ingénieurs ! La Meguro revient donc sur le marché sous le nom Kawasaki (nom inauguré en 1962) en Mars 1965, après avoir résolu certains problèmes techniques comme la lubrification. L’appellation W1 arrive, elle, sur les machines en Octobre 65.

Plusieurs évolutions vont se succéder : en  1968, la W1S, la W2P version police, puis la W1 SS (Street Srambler avec les 2 pots relevés coté gauche) et la moins connue W2TT version touring!  En tout plus de 25000 machines W vont être vendues entre les années 60 et le début des années 70, en majorité au Japon, mais également aux USA et en Australie.

C’est donc de cette illustre ancêtre de sa propre histoire que Kawasaki s’est inspiré dans les années 90 pour présenter la W 650 !

Tout a débuté en 1995. Après avoir imaginé la gamme des Zephyr proche de l’esprit des premières 900 Z1, l 'équipe de marketing souhaitait trancher avec la production exclusivement liée à la performance. Pour cela, ils ont travaillé sur une machine dont le charme opérerait immédiatement au premier regard.  C’est ainsi que les lignes arrondies ont dominé la création graphique du moteur et des pots type saucisson, du couple conique visible sur le côté droit du bloc, etc !

Ainsi donc, présentée en Octobre 97, la W650 a quasiment inventé le design néo-rétro en ayant puisé une partie de sa ligne dans les racines de sa propre ancêtre !  Son succès d’estime a été réel, mais les chiffres de ventes sont restés un peu bas pour satisfaire pleinement le constructeur. Quelques années de carrière, un caractère super sympa, mais peut-être une existence un peu en avance sur la maturité du marché Européen qui jurait encore par la performance exclusivement. Lorsqu’elle fut retirée du catalogue en 2008, la mayonnaise était en train de prendre sérieusement. Durant les années qui suivirent, les modèles s’arrachaient littéralement en occasion !  Au Japon existait une version W 400 qui, elle aussi, s’arrêta en 2008.

Quelques années plus tard, en 2011, Kawasaki revient avec la W 800, à la cylindrée augmentée (775cc contre 644)  pour rajouter au caractère moteur lissé par la présence de l’injection, rendue obligatoire par les normes anti-pollution drastiques !

Version Spéciale Edition : intemporel café racer

Rouge profond et noir mat… ce n’est pas un roman de Stendhal, mais le coup de cœur est bien là ! La SE dont nous disposions pour l’essai, dispose d’une robe aguicheuse qui met encore plus en valeur sa ligne mais en la «radicalisant». Autant la version traditionnelle est très classe avec des chromes à profusion et des aluminium polis, autant celle-ci s’encanaille avec ses roues et son moteur noir, ses silencieux spéciaux, son petit tête de fourche assorti au réservoir et sa selle à dosseret.

Un adorable café racer au look intemporel  que les passants détaillent au feu rouge pour votre plus grande fierté !

Car la W800 tranche avec ce que l’on croise habituellement en ville ! On se régale du niveau de finition, et on sourit des commodos qui reprennent les lignes des anciens équipements. Le bouchon de réservoir à charnière en aluminium, l’éclat des rayons chromés, les gros sigles en relief sur le réservoir, les leviers en alu poli, ce n’est pas une street fighter en plastique, c’est une vraie moto !

Le pouce sur le démarreur, et le twin vous gratifie d’un claquement sec à la personnalité réelle. Au coup de gaz, le twin calé à 360 degrés réagit en un clin d’œil, il est vif !!

Menue, facile à enjamber, avec une  position droite «comme avant» grâce au guidon cintre plat, mais avec des commandes souples comme aujourd’hu,i la W800 est d’un abord avenant et facile.

80cc de rondeur

Grace au double apport de cylindrée et de l’injection, le twin est d’une infinie souplesse : avec 6,2 N.m à 2500 tr/min, le moteur est plus fourni que l’ancien 650 (de 0,6 N.m) et délivre son couple 3000 tr/mn plus bas. Expressif dès 2500 tr/mn, et immédiatement disponible, il propulse machine et conducteur au moindre millimètre de gaz ( la poignée est d’ailleurs remarquable de douceur).

Par rapport aux twins Anglais longue course, le moteur de la W800 est plus tourné vers les hauts régimes (valeurs de l'alésage supérieures à la course donc) mais les sensations sont là ! L’injection remplit parfaitement la chambre de combustion et l’alourdissement du vilebrequin apporte même une élasticité incroyable. Certes, tous les twins parallèles sont souples, mais là, vous pouvez repartir sans le moindre soubresaut sur le régime du ralenti ! Non seulement ça repart «d’en bas» mais, en plus, ca pousse jusqu’ « en haut » en accrochant facilement la zone rouge à 7000. Si l’injection apporte cela, alors vive le modernisme !

La courbe de couple très plate offre une accélération linéaire, progressive jusqu’à la zone rouge. La puissance maxi flirte avec les 50 chevaux. Si pour les jeunes cela semble risible, au quotidien, dans la vraie vie, c’est amplement suffisant pour le terrain de jeu de la W800 .

Comme votre plaisir est ailleurs que dans les chiffres froids, vous vous régalez de ces montées en régime au ton grave puis qui s’éclaircit vers 6000. Les silencieux optionnels devraient être obligatoires tant ils apportent le timbre de voix que l’on attend exactement de cette machine. Ils font partie intégrante de ce que l’on ressent au guidon, une réussite !  

Côté transmission, embrayage à manipuler d’un seul doigt et boîte précise aux 5 vitesses à l’étagement bien calculé, vous oubliez littéralement de vous poser la moindre question. 

En clair, le bicylindre noir réunit de nombreux critères positifs et, en plus, il offre une sensation agréable de fiabilité bien moderne ! Pas évident qu’une ancienne vous offre la même quiétude… Ni une vitesse de pointe… digne de la prison, le buste, et la tête épargnée par le petit tête de fourche optionnel.

Charmes d'antan

Côté chassis, durant la balade rapide que permet le moteur, les suspensions sont bien amorties et la moto est saine et préserve le confort, même si l’on talonne parfois sur les gros chocs. Avec le cintre plat et la grande roue avant de 19 pouces, la machine est  légère à balancer et on ne ressent pas ses 217kg.

Avec une motorisation disponible et cette sonorité enthousiaste, on a tôt fait de changer de rythme !! Après tout, ce look de café racer, il faut l’assumer ! La W800 se plie très facilement à l’exercice, et le passé ressurgit. Léger manque de rigidité du cadre, hydraulique des suspensions un peu trop souple, garde au sol limitée (on use consciencieusement les repose-pieds à chaque virage avec un immense sourire aux lèvres) et un frein à disque avant au mordant faible qui demande une vraie poigne pour ralentir .

Une mention pour les Dunlop au look ancien de K81 (les meilleurs pneus des années 70) mais à la gomme bien moderne qui vous aident volontiers à aller un peu trop loin !

Avec son caractère joueur, la W800 vous renvoie à ses  limites, mais sans jamais devenir piégeuse. Il ne faut pas la brusquer, arriver tard au freinage et la jeter sur l’angle comme un forcené. La méthode est plutot d’enrouler en dessinant de jolies enchainements et ca passe bien ! Son châssis bouge un peu, se tortille sur les changements d’angles dans les pif-paf,  au son des repose-pieds posés sur le goudron, vous vous dites « là ca va vite et je suis un bon pilote », c’est un sentiment assez jubilatoire et ça renforce encore la complicité avec la Spécial Edition. D’autant que, pour ressentir cela, vous n’avez pas besoin de vous déplacer à une vitesse stratosphérique et interdite ! Finalement c’est comme une vraie ancienne mais avec une facilité et un rythme que les «  vieilles » ne connaissent pas.

La meilleure néo-rétro ?

Style intemporel réussi, moteur expressif et présent surtout avec les pots optionnels (300 euros seulement en promo) et caractère global enjoué. La W800  Spécial Edition est un mélange entre la facilité mécanique actuelle et un comportement sain (même quand on en fait trop) empreint de nostalgie au bon sens du terme ! Belle, et attachante à souhait, une machine que vous enfourcherez avec le sourire, et que vous garerez sans jamais l’avoir perdu au retour.

Cette version SE, facturée 8899 € (juin 2013) était équipée de trois accessoires : Tête de fourche (498 €), selle monoplace (374 €) et échappements coniques sport Remus (1395 €) qui sont proposés pour 300 € actuellement sur l'achat d'un W800 neuve.

Franchement, si vous avez l’âme sensible, ne l’essayez pas, vous allez craquer !!

Fiche Technique

Bi-cylindre vertical 4 temps refroidi par air

773 cm3

Alesage x course 77.0 x 83.0 mm

Puissance maxi 48 cv à 6500 tr/mn (35kw)

Couple maxi 60 Nm (6.1 kgf-m) / 2500 tr/mn

Taux de compression 8.4:1

Distribution Simple ACT, 8 soupapes

Injection: 34 mm x 2 avec papillons secondaires

Allumage Digital

Démarreur Electrique

Lubrification sous pression, carter humide

Boîte de vitesses  5 vitesses

Transmission finale Chaîne

Embrayage Multidisque en bain d'huile, commande manuelle

 

Cadre Double berceau, acier haute densité

Angle de chasse/chasse 27∞ / 108 mm

Débattement avant 130 mm

Débattement arrière 106 mm

Pneu avant 100/90-19M/C 57

Pneu arrière 130/80-18M/C 66

Suspension avant Fourche téléscopique de 39 mm

Suspension arrière double amortisseur 5 réglages pour la précharge du ressort

Frein avant Simple disque de 300 mm

Etrier : double pistons

Frein arrière Tambour de 160 mm

Dimensions (L x L x H) 2,190 x 790 x 1,075 mm

Empattement 1,465 mm

Garde au sol 125 mm

Hauteur de selle 790 mm

Réservoir 14 litres

Poids tous pleins faits : 217 kg

Vidéo: