159 chevaux, 131 Nm de couple, une centrale inertielle à 6 axes, un design plus agressif que jamais : la nouvelle Ducati Diavel 1260 interpelle. Pourtant, ce n’est pas la première fois que la marque de Bologne s’intéresse à ce type de machine. C’était déjà le cas avec l’Indiana, certes à une échelle plus modeste, en phase avec son époque. Revenons donc sur ce drôle de cruiser à l’italienne.

Dans les années 80, Ducati, c’est du sport : des motos viriles, performantes, racées. Hélas, les Japonais apprennent vite leur leçon et la concurrence est plus rude que jamais. C’est ainsi que quand Cagiva reprend les commandes de Ducati en 1985 (mais un accord signé en 1982 leur permettait déjà de disposer des moteurs bicylindres Pantah), la stratégie est claire : il faut se différencier et aller conquérir d’autres marchés !

Et Cagiva met le turbo : la première étape, qui consista à reprendre une vieille Ducati TL 600 et en faire une Cagiva Alazzura, sera un bide. La seconde sera plus audacieuse et réussie : c’est le début de la gamme des Cagiva 650 puis 750 Elefant. Quant à la troisième, elle aurait pu marcher… mais en réalité, a été de courte durée. C’est au Salon de Milan qu’apparaît fin 1985 la Ducati Indiana, motorisée par un 750 Desmo à couple conique… et qui donnera l’année suivante les Indiana 350 et 650, animées par des moteurs Pantah à courroie, moins cher à fabriquer.

L’Amérique, je veux t’avoir

La firme Cagiva a beau être la patronne, elle sait qu’aux Etats-Unis, le nom et l’image de Ducati sont bien plus connus et prestigieux que la sienne. De fait, même si, comme l’Alazzura et l’Elefant, elle sort de l’usine de Varese et non pas de Bologne, l’Indiana porte le blason Ducati. 

Si sa ligne est totalement dans l’air du temps, faisant le trait d’union entre une Yamaha XV 750 et une Moto Guzzi V65 Florida, par exemple, avec une selle à étage, un petit réservoir (13 litres), un guidon cintré, une longue fourche et un angle de chasse assez marqué (33°), les coloris sont sobres : l’Indiana a essentiellement été diffusée en noir, un petit peu en noir /gris, plus rarement encore en bordeaux. Malgré la présence de carters chromés, on constate, avec le recul, que l’Indiana entrait vraiment dans le rang, d’un point de vue esthétique, et que Ducati n’a peut être pas assez marqué sa singularité. Ducati aura retenu la leçon : ce n’est pas le cas du Diavel 1260 d’aujourd’hui ! 

L’Indiana aura eu une carrière courte : produite en 1986 en 350 et en 650, cette dernière étant remplacée par une 750 en 1987. Fin de la production en 1988, avec des stocks d’invendus qui prendront la poussière dans les concessions jusque fin 1990…

Power cruiser !

Par contre, en toute logique, elle est plus performante que la concurrence, car, après tout, cela reste une Ducati et elle a des gênes de moto plus sportive en elle… 

Et pourtant : le moteur 650 a été adouci, pour être plus conforme avec l’usage d’un cruiser, bien qu’il sorte tout de même 53 ch et 47 Nm. Les mi-régimes sont privilégiés : pour cela, Ducati a mis des soupapes plus petites, des cames plus douces et adopté un nouveau carburateur Bing. Le V2 est placé dans un cadre qui est quasiment celui de l’Elefant : une poutre centrale et des tubes de section carrée, d’où une tenue de route nettement meilleure que celle de ses concurrentes, d’autant que le freinage est confié à Brembo avec deux disques de 280 mm et des étriers à 4 pistons et que les suspensions Marzocchi étaient moins molles que les amortisseurs en chewing-gum qui équipaient les autres. Là aussi, l’Indiana fait nettement mieux que la concurrence ; il faut dire aussi qu’elle était assez compacte et plus légère (180 kilos) que la concurrence. 

Les magasines de l’époque ont sorti le chrono et ont démontré que, toutes proportions gardées et au vu de la concurrence de l’époque, que l’Indiana savait faire parler la poudre. La modeste 350 (38 chevaux) tapait déjà le 148 km/h chrono et abattait le 400 mètres DA en 15,9 secondes. La 650 faisait 169 km/h et 13,8. Et la 750 (55 ch) 174 km/h et 13,2. Pas mal du tout !

Un petit run et puis s’en va

Et pourtant, l’Indiana n’a pas convaincu. Aux USA, elle a appris à ses dépends que l’on ne déboulonne pas le mythe Harley-Davidson comme cela. Elle était aussi un peu plus rêche à conduire que ses concurrentes japonaises (douceur des commandes, souplesse du moteur, suspensions fermes) et n’a pas vraiment réussi à s’imposer. La 350, qui a surtout été construite pour le marché italien, a été vendue à 800 exemplaires en quelques années. En 1986, la 650 s’est tout de même écoulée à 1014 unités et la 750 à trouvé 504 clients à travers le monde en 1987. C’est tout. Et dans ces chiffres, soustrayons 64 650 et 2 750, qui ont été livrées à la Police. Tiens, ça donne des idées : une Diavel 1260 S de Police, ça donnerait presque envie de porter l’uniforme, non ?