A l’occasion du lancement de la nouvelle KTM 690 SMC R, revenons sur ce tournant de la marque autrichienne, quand elle a décidé de se mettre aux motos de route avec la 620 Duke de 1994. Des motos qui, pour aimer les tournants, les aiment à la folie, passionnément !

Au tournant des années 1990, la marque KTM ne se porte pas si bien que cela. Spécialisée dans le tout-terrain (même si elle a aussi fait des cyclos et un improbable 80 chopper dans les années 80), la firme autrichienne fondée par Ernst Kronreif et Hans Trunkenpolz dans le charmant petit village de Mattighofen (d’où les initiales KTM, donc), peine à sortir 10 000 motos par an. Certes, aujourd’hui, KTM réussit quasiment tout ce qu’il touche : entre les succès en motocross, en enduro, le titre mondial en Moto3, le team de MotoGP qui s’étoffe et, surtout, une production de machines qui a atteint 238 334 motos (Husqvarna incluses) en 2017, ce qui en fait, de loin voire de très loin, le premier constructeur européen, KTM peut se permettre de voir les choses en grand. Et tout cela, on le doit à l’ancêtre de la 690 SMC R qui est présentée en ce début d’année 2019. De quoi parlons nous ? Mais de la première Duke, voyons ! 


620 Duke : et KTM attaqua la route !

La décision est prise : les premiers croquis sont signés en 1992, par Gérard Kiska, déjà, le fameux designer KTM qui ne sait dessiner qu’avec des équerres ! La première moto sort des chaînes en 1994 et elle fait partie d’une première série « First Edition », numérotée à 500 exemplaires, parmi lesquels on trouve une palette de 50 modèles en 400 cm3. La moto évoluera doucement, ensuite. En 1996, elle récupère un vilebrequin amélioré, une pompe à huile plus puissante, mais surtout une batterie plus grosse pour alimenter un démarreur électrique, enfin ! En 1997, un pot catalytique fait son apparition et le moteur passe en 625 cm3 (c’était un 609 cm3 à son lancement) et ne se fait plus appeler 620 Duke, mais 640 Duke ! La 640 Duke II sort en 1998 et se fait remarquer, elle aussi, par son style, avec une double sortie d’échappement à embouts coniques tandis que les deux optiques de phare sont désormais placées l’une au-dessus de l’autre. Si la Duke a permis à KTM d’exploiter de nouvelles voies, la production est toutefois restée un peu confidentielle : environ 4000 Duke I ont été produites, et chaque millésime se reconnaît à son coloris : orange en 1994, noir en 1995, jaune en 1996, noir en 1997 et à nouveau orange en 1998, pour les toutes dernières sorties.

KTM 620 Duke : une nouvelle façon d’apprécier le mono

Les trails monocylindres japonais sont un peu sur le déclin au milieu des années 1990 et si le style « supermotard » fait des émules, les motos sont souvent des engins basiques (genre Suzuki 600 DR ou Yamaha 600 XT) auxquels on a greffé une roue avant de 17 pouces sans retravailler les suspensions, on a parfois un gros frein à disque à l’avant mais pas de durit aviation : bref, vous avez dans les lignes qui précèdent une bonne définition de ce qu’est une merguez. Avec des roues. 

Dans ce contexte, la KTM apporte déjà ce qui deviendra plus tard la philosophie de la marque : « ready to race ». Traduisez : des performances au top et un châssis à l’avenant. C’est sûr, on n’achète pas une KTM pour le côté soyeux des accessoires en plastique ou la profondeur de la peinture. EN revanche, la rigueur et la tenue de route sont là, des suspensions WP avec déjà une grosse fourche inversée aussi, des freins Brembo avec un étrier à 4 pistons à l’avant, de grosses jantes Akront rayonnées, un solide bras oscillant en aluminium et une monte pneumatique de qualité. En réalité, la 620 Duke est plus légère que nombre de 125 (127 kilos à sec, c’est magique !) et plus puissante que ce que les jeunes permis A2 peuvent conduire : le cocktail est juste explosif et aujourd’hui encore, avec des critères actuels, la KTM 620 Duke défend carrément son territoire dès que l’on arrive sur une route de campagne viroleuse ! 

Côté moteur, KTM a repris le bloc LC4 qui servait dans une machine d’enduro : pour des questions de fiabilité, il a reçu un radiateur plus grand, une double filtre à huile. Là où les monos japonais contemporains sortaient péniblement 45 chevaux, la KTM 620 Duke en délivre 55 à 7000 tr/mn et n’hésite pas à aller taquiner la zone rouge, à 8500 tr/mn !

KTM 620 Duke : à suivre…

Evidemment, une telle mécanique se mérite : déjà, il faut se coltiner le démarrage au kick à gauche (avec un engin difficile à démarrer à froid, pénible tiède et capricieux à chaud : des retours de flamme peuvent aller jusqu’à déboîter le carburateur !), des vibrations à bas régime, et un entretien fastidieux, avec une vidange recommandée tous les 3500 kilomètres (attention, elle est semi carter sec, avec de l’huile dans le cadre, même si l’on fait l’appoint par le carter et la contenance étant limitée, il faut regarder le niveau régulièrement). Le régulateur et la connectique électrique sont fragiles, et le carburateur Dell’Orto est pénible à régler. En contrepartie, vous avez un morceau d’histoire : la première étape chez KTM d’une véritable gamme routière, une machine jubilatoire dès que ça virevolte et le premier vrai gros supermotard de route et de série. Ah non, ça, c’était la Gilera Nordwest de 1991 (ou en 2-temps, la fabuleuse Yamaha 250 TDR de 1988 !).