Une moto de course en pleine rue ? C’était juste cela et rien d’autre que la 750 GSXR proposait lors de sa première apparition au salon de Cologne 1984. Suzuki venait de se retirer du championnat du Monde d’endurance, mais la partie cachée de ce retrait était sous les yeux ébahis des visiteurs : la moto de course du Mondial allait directement descendre dans la rue.

176 kg !

Dès l’apparition de la Suz, plusieurs éléments frappent  : son incroyable gueule de proto d’endurance, et surtout le poids extraordinaire pour une 750 : 176 kg (même encore aujourd’hui …. ! )
Elle respire la course, ressemble à une moto de course, descend d’une moto de course …c’est le fantasme de tout motard, une moto de course dans la rue !
Détailler la GSXR c’est comprendre que Suzuki a réuni dans cette moto un condensé extraordinaire : on voit immédiatement qu’il suffit d’enlever clignos et rétros pour aller chasser les motos d’usine.
La GSXR éclipse tout. Quand les autres constructeurs affichent leur 750 à 200 kg ( la VF Honda 199kg, la Yamaha FZ à 209 kg )  la Suz tape fort. Pour parvenir à ces résultats, la moto utilise « simplement » le meilleur, c’est une sorte de best of technologique. Comme le fruit d’une longue expérience, comme un engin affuté pour la pratique extrème : la filiation directe de la moto de course vers la moto de série .  D’ailleurs la gestation est ultra courte comme pour un proto racing il aura fallu moins d’un an. 
 

9 mois de gestation

Fin 83, Suzuki est  Champion du Monde en endurance et a remporté la course TTF1 (ancêtre du Superbike ) au Tourist Trophy . Suzuki décide pourtant de se retirer de la compétition, mais les ingénieurs ne vont pas rester sans occupation !
9 mois, c’est le délai qui a séparé la décision de l’usine de produire le concept de moto ultra sportive imaginé par Etsuo Yokouchi (alors patron du service compétition) et qui va être dévoilé à l’automne au tarif de 42500 F ! 
Avec un service course au point mort, ce sont les ingénieurs qui venaient des paddocks qui vont créer la première réplica :  si le package technique est ultra complet, la vision marketing est également exceptionnelle car le mimétisme avec la « HB » de Moineau de 83 est total.  Même  look de cadre aluminium, même « plastique », même double optique ! 

1198 clients la première année en France

A une époque où l’on faisait du tuning racing en ajoutant carénages, pots, commandes reculées aux motos de série, pouvoir acheter la GSXR allait faire passer dans une autre ère : GSXR signifiait devenir pilote . Si la CB 750 a ouvert l’ère de la moto moderne; la GSXR a ouvert l’ère des Replica  car Suzuki a anticipé le changement de règlementation : à partir de 85, les machines de course devront dériver d’une machine de série de 750 cc. Donc la moto de course c’est VOUS qui l’avez, et on a juste à la peaufiner pour aller courir ( un kit 130 ch est disponible ! )

Le 25 Janvier 85, la production démarrait.

Succès total : dès la première année 14 000 exemplaires seront vendus mondialement dont 1198 en France.

L’alu – cination !

Etsuo Yokouchi a imaginé la GSXR car il avait vu les spectateurs des courses d’endurance arriver avec des motos préparées à coups de guidons bracelets et de 4en1. «  s’ils rêvent de la réplique d’une moto d’usine d’endurance, il faut la leur construire » ….. Avec son expérience de la compétition, il avait fixé un double objectif à son équipe : 100cv, moins de 180 kg,
Le feu vert est donné en Janvier 84 or, Suzuki veut montrer la moto à l’EICMA en Octobre pour  commercialisation au Printemps 85 …il n’est pas temps d’inventer, mais de rassembler le meilleur.

Avec le choix de l’aluminium pour le châssis, la projection informatique avait donné 176 kg ……ce qu’une partie des ingénieurs internes ne pensaient pas réalisable : l’alu était trop complexe à mettre en oeuvre pour un engin de série. Certes les châssis alu existaient déjà en course, mais en série ….personne n’osait .  Les cadres en acier  pesaient au moins 12 kg pour les plus légers, celui de la GSXR affiche 8,1 kg ! Une prouesse. Mais, s’il est plus léger, l’alu est  aussi plus flexible et cela demanda à Suzuki d’affiner la conception par CAO.

En fait le pari fut de réduire le nombre d’éléments  pour faciliter la fabrication :  des profilés carrés et rectangulaires de grande section, et le moins de soudures possibles ! Le cadre de l’ancien GSX compte 96 «  bouts », celui de la GSXR 26 seulement !  Deux longerons forment l’épine dorsale, une pièce moulée reçoit la colonne de direction , etc..  Tout est minimal. Avec les deux longerons passant au dessus du moteur la moto est fine, mais l’avant du cadre est haut et avec seulement  1420 mm d’empattement la moto est ultra courte ! D’ailleurs en 86 elle recevra un bras oscillant allongé pour regagner de la stabilité à haute vitesse….

Ca baigne dans l’huile !

Coté moteur, pour  atteindre les hautes performances, peu de problèmes on opte pour des cotes super carrées ( le gros alésage permettant de grosses soupapes ) , des régimes élevés ( 11500 ) des carbus de 29 mm à boisseaux plats ( une première en série ) et une énorme boite à air ( 18 litres.) 106 ch à 10500 couronnent la performance soit 133 ch/l quand la GS 1000 S d’usine de la saison précédente donne 150 ch /l …cela situe le niveau !

Mais pour le quotidien, il faut fiabiliser. Suzuki ressort une vieille technologie de l’aéronautique ( Brevet Rolls Royce de 1924 pour les moteurs Merlin V 12 ) et refroidi son moteur à l ‘huile avec 2 circuits à très haute vitesse et 2 pompes Eaton séparées.
Moralité, un gros radiateur évacuant 8000 kcalories/heure , des ailettes réduites, 5 litres d’huile de contenance totale circulant à 50 l/mn ! L’huile contourne les chambres de combustion, est projetée sous les calottes de piston, tout est précieusement refroidi ! Ce «  Suzuki Advanced Cooled System » fera date et il signera la plus forte caractéristique de la génération « air/huile »


Fourche de 41 mm avec anti plongée, apparition d’une suspension mono amortisseur ( Full Floater )  des freins Nissin très très proches des Brembo série Or symboles de compétition, tout est réuni. 
Y compris un double optique symbole d’épreuve de 24 Heures, avec un nez aplati, qui correspond à la réglementation internationale ou aucun élément ne doit dépasser de l’axe de roue avant ……….compétition pur jus !  Y compris pour les jantes à 3 double branches ultra légères définies par CAO 

Une victoire dès sa sortie

La GSXR bouleverse à ce point le panorama de l’hyper sportive que nombres d’artisans fabricants de partie cycles ( Martin par exemple ) vont peu à peu péricliter, car la Gex a déjà tout ! Béquille moulée en alu, platines de repose pieds racing, sélecteur et pédale de frein alu, carter de boite ajouré, la finition est remarquable, il n’y a rien à faire ou à ajouter 

Comme elle a été créée sur des bases racing, il est logique que la GSXR retourne à la piste : dès sa première sortie le 28 Avril 85, une GSXR du team privée Zone Rouge/Marseille moto va remporter les 24 Heures du Mans aux mains de  Millet - Bertin - Guichon

Signe de son potentiel, ses succès en course sont littéralement enthousiasmants avec un titre Mondial en 87 !
Et pour les Français, l’image de la GSXR sera à jamais liée à celle d’Hervé Moineau, multiple Champion du Monde d’Endurance sur la moto bleue !

3000…

Les bracelets fixés sous le té supérieur vous invitent à vous poser au creux de son réservoir à ouverture rapide, imitant les systèmes de ravitaillement ( avec un bossage et une durit de mise à l’air libre )
Ce qui tombe sous les yeux est hallucinant : 2 compteurs ronds suspendus dans le vide accrochés à une mousse, et …….des aiguilles orientées vers le bas ( pour mettre la zone rouge dans le champ de vision en phase de pilotage ) mais surtout …….un compte tours qui démarre à 3000 …….

Meme le plus calme des esprits sains imaginera des drapeaux à damiers sur le bord de sa route avec un tel panorama.
L’assise est très basse, les reposes pieds très hauts . Les jambes sont pliées version circuit !  
Un coup de démarreur après avoir actionné le starter planqué sur la rampe de carbu à gauche, le moteur démarre, on entend son râle, le bruit des boisseaux plats qui cliquettent contre les corps de carbus, mais l’aiguille est toujours inerte … L’embrayage est doux, les gaz à tirage rapide, la première s’enclenche et vous voilà prêt à combattre !

Dès les premiers tours de roue, 2 sensations s’opposent : le moteur incroyablement disponible, doux et un rien rugueux, le châssis qu’il faut emmener avec les bras. C’est une moto de course, avec le compte-tours bien dans l’axe du champ de vision, les bras allongés.

Douceur et rage

La Gex historique n’a pas été compliquée à mettre au point, Mitsuo Itoh ( premier vainqueur Japonais au Tourist Trophy dans les années 60 ) a bien œuvré. Le moteur  est rond, il s’éveille vers 5000 puis la plage de puissance débute vraiment à 7500 pour grimper allègrement dans un feulement rauque jusqu’au rupteur à 11500. 

La boite est exceptionnelle : douce, ultra précise, et surtout avec une première longue et les autres rapports si serrés qu’on a parfois la sensation d’avoir raté sa vitesse tant l’étagement est rapproché. Cette transmission parfaite au  service d’un caractère moteur enthousiasmant vous pousse rapidement à en rajouter !  L’apport des carbus à guillotine est net : les accélérations sont très vives ( 11’3 au 400 m départ arrêté ) et dispensent une impression de force inépuisable. Un an avant son apparition, personne n’aurait imaginé qu’un 750 était capables de telles performances ! 

La vitesse augmente facilement et la 750 atteint aisément 230 km/h . Pour cette première génération de 85, reconnaissable avec son pot à grille et son sabot de carénage biseauté ( exclusifs à la première année de production ) , le défaut majeur apparaît : les louvoiements à haute vitesse.  La moto est courte et , si les guidonnages sont mesurés, la stabilité à haute vitesse au passage de bosses est …..perfectible ! L’aluminium du châssis avoue sa limite, et la rigidité est insuffisante pour  cette première génération !  D’ailleurs si la presse salue un moteur puissant et rageur, une ambiance course unique, tous se posent des questions sur la tenue de route à haute vitesse et la maniabilité décevante de la GSX-R. Le manque de rigidité du cadre restera le principal problème des premières versions. Alain Gillot dans le premier essai Moto Journal « La magie est là, pour le cœur, l’oreille et on ressent que la GSXR offre une folie de puissance jamais vue en 750 de route. On est dans un trip endurance, on aborde les virages comme Hervé Moineau… »


Réplica un jour, réplica toujours !

Avec ses jantes de 18, la GSXR est une moto physique à emmener, exigeante comme une vraie machine de circuit, préférant les grandes courbes aux petits virages. Le freinage est de nos jours décevant, mais auparavant, il était jugé remarquable. C’est l’élément qu’il faut garder à l’esprit dans une conduite moderne, , mais c’est bien le seul ! Car sans cela, avec un caractère mécanique bien plus relevé que toute la production actuelle et un « racing spirit » indéniable, la GSXR est bien plus encore qu’aujourd’hui l’archétype de la machine de course ……échappée d’un circuit !

Les plus
  • plus
  • A inventé les réplicas !
  • Caratère racing
  • Vivacité moteur
  • Boite exceptionnelle
Les moins
  • moins
  • Physique à emmener
  • Très difficile à trouver complète et en bon état
Équipement
Vidéos:
Hervé Moineau nous parle de la GSX-R

Hervé Moineau a réalisé la majeure partie de sa carrière sur  Suzuki

Après avoir couru en Grand Prix puis conquis son premier titre Mondial sur une Honda, il remporte 3 titres mondiaux au guidon des GSXR et la première victoire d'un Européen aux 8 Heures de Suzuka en 83 !

Grand témoin de l'évolution technique de l'endurance, il a également accompagné le développement de la GSXR en course , ce qui a à chaque fois bénéficié à la machine de série !