L’avantage d’une moto ou d’une auto c’est qu’au fil des ans, voire des décennies, elle gagne en élégance et en charge émotionnelle, ceci par rapport à l’homme qui, lui, décrépit et yoyotte. (Je n’évoque évidemment pas les femmes qui ne sont pas victimes du phénomène…)

Mais pas de décrépitude pour les acteurs… Et les actrices…

Eux (et elles),  grâce au film (on sait bien que l’univers virtuel dure au maximum quelques années,  tel l’Atlantide, il est voué à l’engloutissement de l’histoire et nous ne laisserons rien à nos successeurs, quand Michel Ange, lui, est toujours présent) eux et elles  restent immortels, élégants, beaux, séduisants, capables de nous faire frissonner de bonheur quand on les voit à l’écran. 

Je me trompe ? 

Un coup de blues ? Repassez-vous « Les Tontons flingueurs ». Une envie d’éternité ? Brando et « l’Equipée sauvage ». Ou James Dean et «La fureur de vivre ».  Une envie d’Italie ? Anita Ekberg plonge dans la Fontaine de Trevi à Rome pour éblouir un Delon sauvagement beau (La dolce vita de Fellini).  

Voilà ce que sont les souvenirs qui sont exposés à Rétromobile, sauvagement beaux, parfois aussi totalement inaccessibles, mais des modèles d’élégance qui ne prennent pas une ride. 

Le rouge est de mise

Bien entendu, l’ouverture de ce reportage se fait en rouge, au milieu  d’un stand dédié à Ferrari, ce qui n’est pas très original, à Rétromobile, la Ferrari il en pleut à chaque coin d’allée, mais 2017 est spécial, c’est le soixante-dixième anniversaire de la marque…  J’ai beau ne pas être Ferrari-addict, un doux frisson m’est passé sur l’échine en regardant ces autos au Hall 3… 

Au fait, je vous rappelle que le petit cheval cabré était l’emblème d’un aviateur, Francesco Baracca, tué pendant la guerre de 14/18 et dont Enzo a bien connu le père et la mère, qui lui ont demandé comme un hommage de reprendre « Il cavallino Rampante » sur ses autos, la couleur jaune du fond est celle de la ville de Modène.   

Chair de poule, qui ne m’a pas lâchée où que je sois dans ce salon 2017. 

Multipla « di famiglia »

Idem, c’est décidément une ouverture de reportage à l’italienne, quand je découvre sur le stand Cinquecentismo cette Fiat Multipla qui est une préfiguration du Monospace populaire, j’imagine un beau dimanche « le papa, la mamma e tutti bambini » en route vers la mer dans un joyeux babillage… 

Ce très beau véhicule a six places, on pensait aux familles nombreuses, il y a aussi un endroit où mettre le pique nique, sublime mais…Mais, c’est ça le problème de la nostalgie, il coûte 32 000 euro… 

A voir aussi sur le site dédié à la Fiat 500

Expo La Moto Française : Inratable

Il y a aussi de la moto, avec une expo au hall 2/3, qui, en plus de l’élégance, donne aussi l’odeur car elles sont toutes en état de fonctionnement. Elles sont toutes françaises, car la moto est née en France, en 1871, avec le vélocipède à vapeur de Louis Guillaume Perreaux, qui arrive quatorze années avant le premier moteur à explosion de Daimler. Celle là n’est pas en état de marche, mais on imagine qu’il ya plus de 140 ans, un ingénieur a breveté cet engin destiné à être vendu ! 

C’est François Marie Dumas (moto-collection.org) qui a été chargé d’imaginer et de réaliser le casting de rêve, il ya là 35 motos qui, toutes, racontent une formidable histoire. Chaque moto a son carton très historiquement et techniquement explicatif, certaines sont amenées par des clubs  et les gens sont là pour vous en parler. 

J’ai retenu évidemment la pionnière, puis quelques héroïnes, les motos de record de Georges Monneret, dont une Koehler-Escoffier 1000 cc, dont la puissance a régulièrement augmenté entre 1935 et 1952, 78 cv, 200 km/h et le tout sans suspension arrière !  

Une superbe New Motorcycle 500 Chaise  de 1928,on voit que ce n’est pas Johnny Hallyday qui a inventé la mode des noms anglais, gros succès commercial, dont le cadre est en tôle emboutie, le tout d’une élégance absolue, et hop, encore la chair de poule ! 

De la Sevitame à la Taon

Vu une Sévitame, propriété de François Marie Dumas, moteur deux temps bicylindre refroidi par cinq litres d’huile, la transmission, il s’agit d’une moto militaire, s’effectue par arbre à vis sans fin et l’on pouvait rajouter une hélice au bout pour en faire un hors bord de débarquement !  

La construction a tout de suite été arrêtée par l’invasion schpountz de 1940, il en reste deux au monde… 

Encore deux… 

Le reste vous le découvrirez vous-mêmes… La Chevallier 250 de GP est une magnifique épopée française, qui s’est hélas terminée en drame quand Olivier, le frère d’Alain l’ingénieur, se tue au Castellet en 1980, la moto est aujourd’hui pilotée par Eric Saul dans le cadre de son ICGP, vraies courses de motos de GP d’époque… 

Et totalement émouvante, la petite Taon, on prononce « tan », référence à la Vespa (la guêpe en italien)  due au crayon de Roger Tallon, créateur du TGV…  Cette moto est arrivée trop tard, en 1957, le marché moto s’écroulait, dommage. 

Au fait, l’industrie française a eu plus de mille constructeurs, ça fait rêver… 

Tiens, je parle de rêve… 

Riva d’amore…

Dans mes jeunes années, soirée dans une boîte phénoménale de la côte, le Club Patrice de Saint Hilaire, installée en bordure de mer, avec des pontons éclairés par des torches en forme d’amphores, les grandes glaces donnent directement sur le port privé…

Quand il fait beau, les filles dansent sur les pontons dans la lumière des torches, féérique. 

Et un soir, une star de l’époque est arrivée avec sa bande d’amis, sur un Riva, le bateau le plus élégant que je connaisse, très grosse ambiance dans la boîte déjà très chicos… 

Il ya un Riva Ariston à Rétromobile, sublimement restauré par RAM Riva, le chantier de restauration officiel de la marque. 

Ne sortez pas votre chéquier, le bateau a été vendu 250 000 euro dix minutes après l’ouverture du salon…

Oui ici, quand on a de quoi assumer ses fantasmes, il faut en plus aller très vite, il ya du monde au portillon ! 

Mais quel souvenir de folie !

Elégance ? 

Facel Vega, star des stars

Un exemplaire de Facel Vega, rouge en plus, la voiture de sport la plus smart de toute l’histoire, est exposé au Hall 3. Il manquait une tragédie à cette auto pour entrer dans la légende, en 1960, l’éditeur Gallimard et Marcel Camus, auteur mondialement connu  (« L’étranger »)  s’enroulent autour d’un platane près de Sens, l’auto devient mythique, chair de poule again… 

Gros bébé de Saumur

Et puis, il ya des moments attendrissants, quand ce mécano du musée des blindés de Saumur nous explique comment il fait bouger son gros bébé, « Fleur d’amour », un des premiers blindés, construit en 1919, d’une puissance de 90 cv avec entraînement d’un alternateur fournissant le courant électrique pour les chenilles. L’engin est maquillé comme une danseuse du Moulin Rouge mais à l’époque, c’était le régiment lui-même qui avait décidé d’apporter des modifications au camouflage d’origine en y ajoutant des traits noirs et d’après le mécano Alexandre, cela fonctionnait très bien , on s’en rend compte quand on s’éloigne un tant soit peu du blindé dans la nature. Le pilote conduisait avec des fentes de vision, on nous dit que l’on s’habitue…  

Musée des Blindés de Saumur.  

Le tube de la génération Baby Boomers.

Vu également deux camionnettes  Citroën sur le même stand l’une, peu distribuée datant de 1929, l’autre, dite Type H, mais connu de façon populaire comme « le tube »,  sorti des ateliers à partir de 1947 et vendu à des centaines de milliers d’exemplaires jusqu’à son arrêt en 1981. J’ai voulu l’intégrer à ce reportage tout en en émoi, en frissons et souvenirs  parce que dans  la vie de quelqu’un de ma génération, il ya toujours au moins une scène culte où le Tube joue un rôle important.  En ce qui me concerne un bon souvenir, quand le charcutier d’Amboise faisait sa tournée dans le petit village de Loir et Cher où résidaient mes parents, le coup de klaxon était magique, l’odeur à l’intérieur était en soi un festin… Plus jamais je n’ai goûté les rillettes de Tours de la même façon…  

Souvenir moins rigolo, les tubes des policiers, alias « le panier à salade », mauvais souvenir quand la salade c’était moi et mes potes… 

Valmobile, des dizaines années d’avance

Il ya peu de temps, un inventeur de scooter électrique m’avait présenté son projet démontable et que l’on pouvait ranger dans une valise (énorme et pesante) pour prendre le TGV.  

Je n’avais alors pas vu la Valmobile de Victor Bouffort, inventeur génial des années cinquante. 

C’est son fils qui tient le stand où sont regroupées certaines de ses inventions. En particulier cette Valmobile, créée en 1953, avec un but très précis, les arrivées dans les aéroports où c’était un combat titanesque de trouver un taxi pour aller en ville, ce qui explique le succès de l’engin aux USA. Ce n’était pas léger léger, mais à l’époque, les compagnies n’étaient pas aussi ch… qu’aujourd’hui sur les bagages ! (40 à 60 kg selon cylindrée, de 60 à 125 cc). 

C’était une biplace ! 

Autres utilisations possibles, en bagage à l’arrière de l’auto ou du camion, pour aller chercher du secours en cas de panne, à l’époque bien sûr pas de téléphones portables, pas d’autoroutes avec des bornes secours ! 

Une marque de voitures US offrait même une Valmobile pour l’achat d’un de ses modèles. 

Tout un art de vivre où la fantaisie et l’intelligence étaient à l’ordre du jour, on en est tellement loin aujourd’hui ! 

Volvo 544 : East African Safari Memories …

L’East African Safari a été un rallye culte, au Kenya, c’était pratiquement une course d’endurance sur 6000 km de piste de latérite. Ce rallye a été créé par trois officiers de sa « Royal Majesty » et était à juste titre surnommé le rallye le plus dur du monde. Il a été organisé de 1953 à 1973. 

Il a été épreuve du championnat du monde après ces dates historiques, devenant plus court, beaucoup plus courte, mais restant un summum. 

En 1965, c’est une voiture un poil lourde mais sublime d’élégance qui gagne, il s’agit d’une Volvo 544, auto aujourd’hui culte dans les rallyes Classic. 

Dans le cockpit, il y a deux Kényans, Joginder et Jaswant Singh, qui font partie de cette brillantissime école kényane de rallye, dont Skekar Mehta, qui gagnera cinq fois l’épreuve. 

L’image de cette Volvo en pleine défonce sur les pistes d’un pays qui est lui-même un bijou ne m’a pas quitté depuis 1965. 

Vidéo: