Oubliez ce qu’on vous a dit, ce que les uns racontent, ce que les autres inventent . Allez plutôt essayer vous-même, la 750 H2 est une moto docile, facile et sublimement disponible ! Vous ne le croyez pas ? Suivez-nous ! Relevez le repose-pied, sortez le kick, un rien d’enrichisseur, descendez votre mollet droit, et écoutez. Oui la H2 vous parle, oui elle s’exprime, mais c’est devenu si rare ! Embrayage ferme, première en haut, et le monde s’ouvre sur une découverte. Non elle n’est pas brutale, elle est bourrée de couple, non elle n’est pas caractérielle et si, elle est bien réglée, elle se révèle même onctueuse et dosable !

74 CV pour forger sa légende

Si aujourd’hui elle alimente tous les fantasmes, qualifiée de « monstre indomptable », la présentation de la H2 fut moins un choc que celle de l’initiatrice de la série : la 500 H1. La H1 arrivée en 69 (contemporaine de la CB 750 Honda) va instaurer une salle réputation pour les 3 pattes Kawa : Explosifs, surpuissants, creux, sans freins…… Entre temps, Honda a lancé la surenchère à la grosse cylindrée avec une 750 ultra docile et plus puissante. Suzuki arrive avec la GT et son refroidissement liquide…… et les rumeurs courent que l’arrivée d’une grosse Kawa est programmée.

Mais la 500 a une telle reputation qu’imaginer la même en « pire » (plus grosse) semble presqu’impossible. 

Revenons au contexte : il y a comme grosse cylindrée disponible : la 750 Triumph-BSA et son sublime tri-cylindre, la 750 Laverda, la Norton Commando, la Guzzi V7, la 750 Honda révolutionnaire de modernisme.  A Long Beach, la première présentation aux USA en Août 71 est une confirmation : c’est bien une  grosse 500 (même schéma technique avec boîte 5 et allumage électronique comme sur les toutes premières H1 non homologuées en France : elles brouillaient les écrans de télé !! ) . Si sa technologie n’est pas inventive (entre la 500 H1 et la 350 S2, on a déjà « tout vu ») elle proclame haut et fort ses 74 chevaux à  6800 tr/mn et ses plus de 200 chrono ! Et encore, on a pas eu le son ………. Comme pressenti donc, la H2 passe la vitesse supérieure, de 60 ch sur la 500 H1 on grimpe à 74, c’est ….monstrueux entend-t-on ! Elle est aussi la première Kawa à frein à disque. Dernier point, elle est annoncée légère (192 kg).

 La ligne globale de la moto est calquée sur celle de la 350 S2. Comme pour les triples Kawa, on trouve des échappements asymétriques. Deux cylindres passent à droite, tandis que le troisième longe le côté gauche. Sous le dosseret vous pourrez meme abriter vos gants et quelques affaires en plus de la trousse à outils d’origine

 La partie cycle est également reprise de la 500, mais largement rigidifiée pour encaisser la puissance supplémentaire. Les tubes du cadre sont de plus grosse section, le frein à tambour à l'avant est remplacé par un disque de 296 mm de diamètre, ( et la fourche permet d'en monter un second )  Sur le té de fourche on remarque la présence d’un frein de direction.

On la reverra pour sa présentation mondiale à Tokyo à la fin de l’année, mais c’est le proto de la 750 GL Yamaha qui lui vole la vedette, et Suzuki a aussi dévoilé un 3 cylindres 2 temps, à vocation grand tourisme mais avec l’avantage du refroidissement liquide et du démarreur électrique !

 En fait pour que la planète moto  finisse par vraiment comprendre l’ampleur du choc, il va falloir attendre les premiers essais de la presse US avec une moto dressée sur la  roue arrière en couverture : on a jamais vu ca ! Cette machine sent la poudre !

Imaginez qu’à cette époque, on peut lui sauter dessus dès …16 ans !

Alors, oui, la H2 est bien une sorte de monstre. Imaginez donc la fascination qui va frapper une génération qui sera à jamais marquée par les 2 premiers coloris arrivés en France en 72 : le bleu Gauloises en Janvier 72 et le vieil Or à partir du mois d’Avril car l’autre force de la H2 c’est d’arriver en concession aux USA immédiatement dans la foulée de sa présentation du salon de Tokyo (quelques jours !!). En plus, aux USA comme en France, elle est moins chère que la CB 750 !!

 En France, ce qui ressort des premiers essais est presque contradictoire : ce n’est pas une bombe indomptable c’est une super moto avec, comme point fort, la force immédiate du moteur ! Plutôt que de chercher la puissance maxi, les ingénieurs ont privilégié une large courbe de puissance, résultat : la H2 tracte de suite et à la moindre rotation de la poignée de gaz, on s’envole !  En fait, l’équation moteur puissant et bourré de couple + poids léger, donne une machine hyper performante et rageuse.  Sûr qu’en sortant de tous les 4 temps nommés ci-dessus, la H2 a dû être un sacré électrochoc ! Les images de wheeling la catapultent au rang de bête fauve, mais cette figure est plus une conséquence de sa disponibilité immédiate que de puissance inmaîtrisable !  En fait, c’est elle qui va apprendre à une génération entière, les plaisirs de la roue arrière !!   Comment naissent les fantasmes parfois…… surtout qu’au feu rouge, la belle laisse échapper divers bruits métalliques et mécaniques depuis la transmission primaire et la cloche d'embrayage qui ferraillent, les cylindres qui vibrent et résonnent et les pots qui claquent, le tout assorti de fumées bleuâtres qui font vite comprendre au pilote et aux passants que le dragon ne se sent bien que gaz en grand ! Rugueuse ou en train d’exploser ? Hé bien non... tout est normal !

"Juste" une très bonne moto !

En la confiant quasiment à n’importe qui aujourd’hui, on peut constater que la H2 est en fait une super moto, loin de la légende de piège. Moteur souple qui permet de démarrer à 1500 tr / mn sur un filet de gaz, avec une belle allonge régulière jusqu’à 8000 tr/mn, il répond instantanément sans attendre les hauts régimes (6 mkg de couple à …4000 tr/mn !!), la boîte est bien étagée, l’embrayage ultra endurant (on est un peu tenté d’en abuser ...) C’est une machine légère et efficace surtout !

Le gros deux temps surprendra le motard d'aujourd'hui par son très gros couple à bas régimes. On peut véritablement conduire la H2 sur le couple entre 3000 et 5000 tr. Mais ce bloc est fait pour accélérer, il est désagréable de rester à régime constant sur le filet de gaz, le moteur se mettant à hoqueter.

De fait, elle s’installe comme l’opposition parfaite à la 750 Honda. Si l’une est lisse et bien élevée, l’autre a du relief et s’exprime sans retenue ! Et c’est ce caractère impétueux qui lui confère cette sulfureuse renommée. La H2 n’est pas sociale, elle est une sorte d’ennemi à l’ordre public ! A vous de savoir si vous préfériez les Stones ou les Beatles !

A vous de savoir si vos rétros vous servent à observer les poursuivants ou à vérifier la densité de fumées bleues que vous laissez sur votre passage …tout est affaire de choix dans la vie !

Arrété au feu, les autres usagers vous regardent d’un œil réprobateur, bruits et fumées envahissent votre entourage….. Pour vite détaler, vous lancez un coup de gaz en enclenchant la première vers le haut, dès le lâcher d’embrayage tout s’emballe : la roue avant lèche le sol ou se lève au ciel selon votre envie. Le son rauque et envoûtant des échappements prend le dessus sur votre raison très rapidement !  Les vibrations vous rappellent rapidement que le moteur est parfaitement en marche mais c’est juste du caractère monsieur, rien de désagréable ! Et puis, les arrêts ravitaillement sont fréquents  (120-130 km…).

Bon sang, qu’est-ce que ca pousse, quelles sensations décuplées ! Par rapport à des machines de l’époque, c’est une bombe, et même par rapport à des machines actuelles, le rapport sensations-accélération est multiplié par 100 !

 

Comme la 750 est plutôt fine et souvent équipée de grands guidons, sa maniabilité est irréprochable, d’autant qu’à  l’inverse d’aujourd’hui, on est assis « sur » la moto et non pas « dans », ce qui aide à la dominer. Rigide mas pas hyper précise, il faut prendre la mesure de son train avant qui « tombe »  un peu dans les virages lents. Enfin, quitte à faire une entorse aux look initial, pour soutenir un usage rythmé, il vaut mieux préférer l’option double disque pour se tranquiliser l’esprit ! 

 

Idem pour les pneus modernes qui vous permettront de rouler sans stress, car ceux d’origine de notre modèle d’essai ont………un certain penchant pour le décrochage sur l’angle quand on réouvre et que le couple moteur vous propulse !  A l’attaque, l’étagement de boîte est quasi parfait avec ce moteur élastique et plein comme un œuf. Il faut juste se méfier d’une particularité au rétrogradage…..le point mort est tout en bas après avoir descendu tous les rapports……un oubli et vous entrez sur l’angle en roue libre ….en pensant avoir sélectionné  la première !

 

Avec une motorisation catapulte et après avoir compris le mode d’emploi (on casse les virages pour mieux en ressortir ) la H2 va très vite de nos jours encore : on pose facilement les pots et les béquilles au sol, et on flirte entre glisse et petit wheeling à chaque sortie de virage en 2 ou 3ème.

Le châssis n’est pas parfait, la H2 bouge, tortille, avec des suspensions arrières un peu dépassées par la force mécanique, mais ca vous donne immédiatement et à chaque fois le sourire pour plusieurs heures et l’envie de recommencer  !

Un potentiel hors norme

Si la 500 était une sorte de pétard à mèche pointue, la H2 est plutot facile à prendre en mains grâce à sa large disponibilité, il n’en reste pas moins que c’est un dragster : 12’1 au 400 mètres, et 24’6 aux 1000 !!! Et, pour y parvenir, rien de plus simple : accompagner un peu l’embrayage et se pencher en avant. Le reste ? Ouvrir en grand avec la poignée de droite c’est tout. Non, plus précisément, le reste c’est s’arrêter souvent chez le pompiste car on dépasse allègrement les 13 l de conso, ce qui, avec 17 litres dans le réservoir vous amène à quelques haltes ! A l’époque, rien ne lui résiste ni les autres 750, ni aucune voiture de sport même prestigieuse. C’est cette faculté « boulet de canon » qui va laisser des traces dans la mémoire collective : bruit de dingue, 3 pots relevés crachant de la fumée et un déplacement à la vitesse lumière …… Et puis, c’est elle que les mauvais garçons utilisaient, dans le film « L’agression » de Gérard Pirès sur grand écran ou dans les courses en ville …. et sur les circuits !

Dès sa première sortie sur piste en France, elle allait remporter le Critérium 750 avec Hubert Rigal au guidon sur le circuit Paul Ricard au printemps 72 !

Et ce Critérium 750 elle va le dominer durant une décennie ! Rigal, Fau, Fougeray, Husson, Choukroun, Gougy, combien sont devenus célèbres à son guidon ?  Elle gagne le Tour de France moto en 74 avec Gougy, court en endurance avec Estrosi, la H2 est si polyvalente dans la performance ! Au Bugatti, elle roule aussi vite en critérium que les 250 de GP deux ans plus tôt !

Malgré toutes ces qualités et des efforts pour se dépolluer, la crise pétrolière de 73 et les normes de plus en plus sévères contre la pollution et le bruit vont avoir raison de ce météore.

 

Indétronable

Alors qu’en retenir ? Vrai qu’elle peut jouer les brutes, mais elle peut aussi vous donner le sourire sur un filet de gaz, et cà c’est le signe des plus grandes : savoir tout faire sans jamais être fade ! La H2 ? oui c’est un mythe ! Et le dérèglement mental qu’elle génère chez ses fans n’a pas changé, attention c’est contagieux !

Les plus
  • Caractère moteur exceptionnel
  • Performances
  • Mythe absolu
Les moins
  • Tarif
Équipement
Vidéo:
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Alors……vous vous attaquez à une icône…le tarif va avec !

Globalement, 2 choses majeures à retenir, correctement suivie, la machine est parfaitement fiable ! Donc, si tout a déjà été fait (refait) vous n’avez plus qu’à en profiter, c’est plutôt une bonne nouvelle.

D’un autre côté, elle est littéralement devenue un objet de spéculation. Si on était une agence de notation, elle aurait un triple A ! Certains vendeurs pensent avoir un lingot d’or et vous le font sentir.

Prenez donc votre temps pour bien choisir, il y en a finalement pas mal, notamment avec de très nombreuses réimportations des USA ou d’Italie (aujourd’hui il y a presque plus de H2 en circulation que vendues à l’époque !!).

Cherchez une moto complète, les pièces coûtent cher et certaines sont aussi faciles à attraper que le monstre du Loch Ness : le garde boue-arrière par exemple ! 

Cote : entre 7000 et 12/15 000 pour des machines irréprochables, refaites à neuf avec preuves et factures ! Car, parfois, la cosmétique ne fait pas tout ! un très bon spécialiste comme Richie Weber (dans l'Est) saura vous guider, n'hésitez pas !

Enfin, difficile (sauf si vous les connaissez bien) de se faire une idée juste à l’oreille, une H2 en parfaite santé fait déjà des bruits inquiétants, alors… un petit tour d’essai vous éclairera !

 Pour mémoire elle coûtait 11 200 F à sa sortie en Janvier 72 ! Et le SMIC était à 3,94 F de l’heure …