Cette Honda 900 Bol d'Or que nous essayons aujourd'hui est une préparation dans l'esprit de la série Superbike US du début des '80. Une formule qui a fait rêver plus d’un motard européen. Pilotes vedettes, motos surpuissantes, looks agressifs, tout était réuni pour rester dans l’Histoire !

De route ou de course ?

Recette simple : la catégorie Superbike inventée par l’AMA (fédération moto US) fait rouler des motos de production avec un cahier des charges simple : rester similaire au profil d’origine, ne pas dépasser une cylindrée maxi (1050 cm3), conserver le cadre d’origine (là, il y aura de multiples interprétations)... La conjugaison de plusieurs facteurs fait de cette série un sommet : les pilotes sont exceptionnels (Spencer, Lawson, Rainey, Schwantz en sortiront pour venir directement en Grand Prix 500 !), mais ce sont surtout les bouilles des motos qui marquent. Nous avions déjà fait un petit reportage sur cette série Superbike US.

Grands guidons, lignes générales respectées mais équipement racing maximal, on est à fond dans la logique de la moto de M. Tout le monde "coursifiée". Le fantasme absolu que chacun rêve de faire dans son garage ! Chez Honda, ce sera la CB 750 F qui sera choisie comme base pour courir la série. La première version (1980) engagée par le team Honda US conserve la déco type 900 Bol d’Or, on la reconnaît aussi avec ses roues de 18 pouces dorées. Le moteur développé sur le vilebrequin du 750 (course courte pour prendre plus de régime) est puissant mais ultra fragile. "J’ai dû abandonner 8 ou 10  fois sur explosion mécanique se souvient Spencer, le moteur ne cassait pas, il se désintégrait quasiment."

Pour les années 81 et 82, la sauce est plus corsée : moteur intégralement noir, radiateur d’huile devant la fourche, roue de 16 pouces (avec un long garde-boue d’origine prévu pour une roue de 19 qui donne ce look si particulier), amortisseur de direction transversal à biellettes (installé à la place du radiateur d’origine), étriers et grands disques en 310 mm venus des 500 de Grand Prix, bras oscillant renforcé, premiers amortisseurs Öhlins, allumage AHM. La moto disposait de carbus type Lectron fabriqués aux USA. Tout était réglé par l’aiguille. "Seul le concepteur savait les régler. Il arrivait parfois seulement le samedi soir, on lui décrivait nos problèmes, il se mettait dans son coin et le lendemain la moto marchait !" se souvient Spencer en rigolant.

Enfin la moto est très belle avec son moteur et ses roues noires et la reprise de la déco vendue sur le marché US, avec un graphisme différent des versions européennes et marqué CB 750 F sur le cache latéral (750 et 900 Bol d’Or chez nous). Non seulement superbes mais en outre elles marchent ! La Honda fait 1, 2 et 3 à Daytona en 82 mais elle ne gagnera pourtant jamais le championnat.

De 77 à 147 chevaux...

La moto cube 1023 cm3 avec des cotes de 72,5 mm x 62 mm, et elle développe entre 140 et 147 ch entre 11 et 11500 tours. Le moteur prend jusqu’à 13000 (mais explose facilement), sa conception est fondée sur celui de la 750 (62 mm x 62 mm d’origine) avec un schéma super carré en vue d’atteindre des hauts régimes gages de puissance. Les motos atteignent les 253 km/h et pèsent 188,4 kg (un 900 Bol d’origine pèse 233 kg à sec !).

Ce moteur fait partie des grands 4-cylindres Honda, mais il fut développé par Honda USA sur le course courte de la 750 (62 mm) et non dans la lignée de ceux des motos d’endurance (RCB et RS 1000 notamment) car les bases civiles 900 Bol d’Or ou CB 1100 R sont des moteurs à course longue de 69 mm qui n’auraient pas pu donner autant de puissance à haut régime avec la limite réglementaire AMA de 1050 cm3 !

La puissance d’origine du 750 qui a servi de base était de 77 ch, elle a fini à 147 ch en version course… Pas étonnant que la fiabilisation ait été un cauchemar !

Replica pour Freddie

La moto que nous avons aujourd’hui sous les yeux a été assemblée avec un double objectif : faire une Replica qui puisse rouler sur la route et offrir à Freddie Spencer la possibilité de rouler lors des évènements classiques. Il l’a découverte à la Sunday Ride Classic 2015 : photo ci-dessus. Il a approuvé la préparation en signant le réservoir !

A la base, le moteur est un 900 Bol d’Or porté à 985 cm3 avec des pistons haute compression Wiseco (diamètre 67,5 mm contre 64,5 mm, compression 10,25 à 1 contre 8,8 à 1 d’origine).

La rampe de carbus à dépression d’origine cède la place à une rampe racing Mikuni RS 34 mm. Ils sont équipés de cornets avec des grilles pour éviter d’avaler des débris destructeurs pour le moteur. Les grilles sont planquées à l’intérieur pour laisser le côté super racing des cornets alu. Arbres à cames retaillés pour avaler le meilleur remplissage des gros carbus mais surtout pour être en phase avec l’augmentation de cylindrée.

La ligne d’échappement est une vraie copie de la ligne qu’il y avait sur les motos de Honda USA pour le championnat Superbike. C’est une ligne rarissime et onéreuse Tajima Engineering commercialisée uniquement au Japon. Toute noire, elle est incroyablement bruyante, mais Varm’up Moto (le préparateur) a pris soin de fabriquer une chicane efficace pour un usage sur la route. Evidemment un embrayage renforcé accompagne l’augmentation de puissance qui passe de 95 à 115 chevaux. L’objectif a été de conserver un moteur très coupleux pour un usage routier.

Ne sont pas repris pour un usage route : le kit AHM (qui existe toujours) supprimant l'alternateur pour gagner de la garde au sol, mais qui impose de rouler sur la capacité de la batterie. Et le montage du gros radiateur en avant de la fourche, fixé directement au cadre.

Chassis hybride

Pour cette replica, des renforts apparaissent sur le cadre peu rigide d'origine et surtout l’arrivée de trains roulants modernes changent tout : train avant complet de Kawasaki ZRX 1200. Roue de 17, disques en 320 mm, pinces 4 pistons, maître-cylindre radial Magura. A l’arrière, un bras de Yamaha 1000 Exup sert de base, il reçoit des supports d’amortisseurs. Ce sont des Öhlins full réglables, les plus hauts de gamme avec compression, détente, précontrainte et assiette réglables ! Le top des Suédois ! La jante arrière de 5 pouces vient de chez Kawa.

Le té supérieur vient d’Allemagne (ABM) et le guidon Spiegler aussi. Enfin les jantes en 17 facilitent le choix de gommes ultra performantes. Ce sont des Pirelli Diablo Super Corsa, favorisant la maniabilité et la vivacité du train avant qui ont été choisis par le préparateur Varm’up Moto d’Hyères.

On note la disparition des platines et commandes d’origine au profit de pièces aluminium Tarozzi.

Le soin du détail

Abandonnant la roue avant de 19 pouces pour une 17, la réplica arbore une géométrie plus basculée sur l’avant. Son air est infiniment plus moderne et méchant que les motos des années 80.

Par rapport à la Bol d’Or origine, on note la peinture intégrale du moteur en époxy noir (moteur d’origine aluminium). Cela accentue le côté compact. Mais la préparation va loin dans le détail.

La selle d’origine est débourrée comme sur la vraie. Le feu arrière est intégré au dosseret, comme la vraie. Le choix du phare de diamètre réduit ne dénature pas la moto mais il est plus compact. 

On devine à peine la présence de minis clignos mais ils y sont ! Et enfin la peinture reprend les graphismes de la version US, elle-même basée sur la version 1982 de la CB 750 FC vendue aux USA en 1982 (déco jamais vendue en Europe).

Un ensemble de plaques carrées portant le n° 19 a été monté sur la moto. A l’avant, la plaque bénéficie d’un astucieux montage sur le cerclage du phare. Enlever l’optique et monter la plaque prend 2 minutes. La série US exigeait que le cuvelage du phare soit toujours présent sur la moto !

L’ensemble compteur - compte-tours est celui d’une CB 750 FA, comme sur la moto de course. Il est différent de l’ensemble de la 900, notamment car il a les lettrages et les aiguilles blancs contre un corail typique sur la 900.

Sur le réservoir, le célèbre Attack que les mécanos avaient collé sur la moto de course est présent. Et reconnaissance suprême, celle-ci a été signée par Spencer himself à l’issue des premiers tours de tests au Paul Ricard en avril 2015 !

Gros moteur

Un coup de démarreur réveille le gros 4-cylindres double arbre. Les carbus crépitent et résonnent le temps que le moteur chauffe. La voix est profonde, rauque, rien ne ressemble à ça. Une vraie machine de course dans la tonalité, avec le bruit d'aspiration d'air des carbus !

Bonne surprise, le moteur est hyper disponible. Un gros couple permet d’évoluer sur le filet à 2 - 3000 tours. En revanche, la rotation de la poignée est musclée. Les carbus racing aspirent l’air de manière virile, et le 985 vous propulse. Un moteur hyper rempli qui grimpe à l’assaut du rouge sans aucun temps mort. Varm’up Moto a volontairement opté pour une réglage route de la rampe de carbu qui donne une moto ultra efficace et remplie jusqu’à 10500 tours. Spencer avait eu une version plus violente à hauts régimes mais plus creuse (ce qui avait très vite eu raison de l’embrayage) au Paul Ricard !

La 900 Bol d'Or réplica est sans filtre et c’est un véritable régal sur la route. Le châssis est rigidifié par les éléments modernes, on freine d’un index, et la paire de Pirelli est bluffante. La Bol d’Or se découvre une vivacité et un train avant ultra solide en appui sur l’angle au freinage. Très étonnant pour une telle mamie !

Malgré tout, le couple débordant du moteur a vite fait de faire patiner la roue arrière à la ré-accélération sur l’angle, malgré la gomme hyper tendre. Poids et couple martyrisent le pneu. La Bol d'Or se tortille mais reste controlable. On parvient assez vite à comprendre comment doser la glisse avec la poignée. Un vrai régal ! En plus d’une bonne rigueur, les suspensions sont confortables ! Seules les compressions avec la moto sur l’angle mettent en lumière un vrai manque de rigidité du cadre qui reste plus faible que les éléments modernes. Le cadre souffre c’est une évidence et l’adhérence très supérieure des gommes actuelles en 17 pouces n’y est pas étrangère.

Etonnant mix néo-rétro

Un caractère fort et solide avec un moteur "comme avant", un comportement dynamique plutot moderne, surtout  au plan du freinage, de l'agilité et du niveau d'adhérence, la replica pousse carrément fort. Certes elle ne passerait plus aucune norme de pollution aujourd'hui avec ses gros carbus, et ses bruits d'admission et d'échappements sont sans doute rédhibitoires.

Mais un tel roadster plus "rugueux" que la production actuelle est franchement réjouissant à emmener. Le plus fun est de pouvoir profiter du bloc coupleux, d'un look ancien, sans craindre pour les freinages d'urgence ou les entrées rapides à l'attaque !

Le jouet de Noël !

Rouler en ville ou sur route ouverte avec une vraie-fausse moto de course, avec de grosses plaques à numéros, un casque ultra célèbre, est un plaisir enfantin certains diront, mais un GRAND plaisir quoi qu’il arrive ! Construire une telle replica est certes déraisonnable, mais le résultat est plutôt séduisant à la conduite. On voit ainsi mêlés les avantages de chaque époque : des moteurs sans filtres disponibles à des régimes accessibles, avec une grosse force pas trop civilisée et des éléments roulants modernes (le freinage est top, l’adhérence aussi ). La partie roulante est souvent ce qui a le plus vieilli en circulation moderne, le freinage en particulier, là le problème est oublié, on peut jouir de ces gros moteurs ultra coupleux. Le meilleur de chaque époque. Cette 900 Bol d’Or Superbike replica est une sorte de fantasme assouvi pour tous ceux qui rêvaient de Spencer-Lawson-Cooley en baston, avec les motos se tordant, déhanchés au maximum avec leurs grands guidons en plein contrebraquage ! Rien de plus excitant

Les plus
  • Côté fun !
  • Sensations mécaniques
  • Look ultra méchant
Les moins
  • Coût de la préparation
  • Côté "non c'est une moto d'origine M'sieur l'agent"
Équipement