Alors qu’après quelques années d’insoutenable teasing, la nouvelle Yamaha Ténéré 700 est proche d’arriver dans les concessions, prenons le temps d’un retour sur la saga des Ténéré, une histoire commencée avec succès il y a près de 26 ans !

Qui s’intéresse encore au Dakar ? Qui est capable de donner les noms des trois derniers vainqueurs ? Qui sait dans quels endroits perdus d’Amérique Latine (certes, les décors sont assez télégéniques) se sont disputé les éditions précédentes ? Quelle légitimité aura un Dakar 2020, qui a disparu de son territoire historique pour cause de terrorisme international, mais qui sera invité par un pays soupçonné par beaucoup de financer ces mêmes troubles ? 

Foin de considérations géopolitiques : au tournant des années 80, tout le monde connaissait et suivait le Dakar. Les rallyes africain faisaient rêver tant les motards que le grand public, les pilotes étaient tant des vedettes que des héros. Sans lui faire injure, qui connait Pablo Quintanilla, arrivé quatrième cette année ? Mais à l’époque, l’identification marche à plein et une moto neuve sur deux vendue en France était un trail, le gros du marché étant représenté par les monocylindres de 600 cm3. Chaque marque jouait alors de sa proximité avec la course : Suzuki a commercialisé les Djebel, Honda les XL LM et un peu plus tard, Cagiva y allait de ses Elefant bicylindres. Mais la machine la plus emblématique de cette période bénie est sans conteste la Yamaha Ténéré…

Tout commence par…

La Ténéré, première du nom, n’est pas une invention ex-nihilo. Elle s’inscrit dans un cheminement, dans une logique industrielle. Et elle puise indubitablement ses racines dans la 500 XT de 1976, premier gros monocylindre japonais qui, malgré la modestie de ses performances vues par la loupe d’aujourd’hui (32 chevaux, pour rappel), faisait figure d’engin capable de traverser la planète, à deux dessus sans sourciller. Après une mutation rapide en XT 550 (produite en 1982 et 1983, il s’agissait alors d’un mix avec le look de la 500 mais la suspension à Cantilever inaugurée par la 125 DTMX, tandis que le moteur adoptait une culasse à 4 soupapes et que la puissance grimpait à 38 chevaux), Yamaha fait évoluer le modèle avec une toute nouvelle 600 XT qui se double de sa version « adventure », la 600 Ténéré. C’est ainsi que fin 1983 apparaît la première Ténéré, type « 34L ». A partir d’un moteur et d’un cadre identiques à la XT 600 (mais les débattements de suspension sont revus à la hausse), la Ténéré dispose d’un réservoir de 30 litres et d’une selle plus confortable, tandis que l’allure générale vous pose son propriétaire comme un aventurier. Un aventurier qui devra démarrer sa monture au jarret : le kick n’est secondé par un démarreur électrique qu’à partir de la seconde génération (le type 1VJ de 1986), une moto entièrement nouvelle et redessinée, avec un moteur plus puissant (46 ch au lieu de 44) et un réservoir encore plus volumineux, mais à la capacité réduite (23 litres) car un imposant filtre à air de six litres prenait la place en dessous. Nouveau cadre, nouvelles suspensions, nouveau réservoir d’huile, tout est nouveau…

L’arrivée du double optique

Le look des motos de course évolue, le look des motos de série évolue donc en rapport. La dernière génération des Ténéré refroidies par air, la « type 3AJ » est commercialisée de 1988 à 1991. Un gros carénage habillé par deux optiques rondes est monté sur le cadre, avec de nouveaux carters latéraux, un nouveau tableau de bord, tandis que le tambour à l’arrière laisse enfin place à un disque. Parmi les mauvaises nouvelles, on note la disparition du kick. La moto devient plus lourde et la Ténéré prend un chemin qui va caractériser la majorité des gros trails à l’avenir : ce sont en fait de bonnes motos de tourisme plus que des engins fait pour se taper les pistes les plus difficiles. Cette esthétique évocatrice fut également sublimée par la XTZ 750 Super Ténéré (bicylindre, 70 ch) de 1989 ; conçue spécifiquement pour les rallyes africains, elle remportera l'épreuve à 7 reprises, contrairemebt au monocylindre qui ne s'est jamais imposé sur cette épreuve mythique. Enfin, les fans du modèles se tourneront vers une 125 DT LC Ténéré (1989-1994), avec son gros réservoir et son carénage.

Le concept perd en pertinence

L’arrivée de la 750 ne signifie pas toutefois la fin du monocylindre, çar en dix ans, plus de 20 000 Ténéré ont été vendues en France. Néanmoins, ceux-ci commencent à accuser le coup en termes de performances. Ainsi, Yamaha fait évoluer la Ténéré : elle devient 660, passe au refroidissement liquide (5 soupapes, 48 ch), mais son châssis est encore moins adapté à la pratique du tout-terrain (avec une suspension rabaissée, un empattement plus long). De plus, son look un peu gauche, avec un phare avant carré, l’éloigne un peu de l’image que l’on se fait de la baroudeuse. A ce moment de l’histoire, les trails monocylindres sont en perte de vitesse et le marché se tourne vers les bicylindres (Honda Africa Twin, BMW GS, Cagiva Elefant), soit les machines qui gagnent les rallyes. Cette génération de 660 repasse au double optique en 1996, mais l’esprit s’est érodé… La machine sort du catalogue en 1998.

La meilleure de l’espèce ?

Néanmoins, et alors que la mode du Dakar commence sérieusement à péricliter, Yamaha ne lâche pas l’affaire et remet la Ténéré au catalogue en 2006. Le look est plus taillé à la serpe, le moteur perd sa cinquième soupape, mais la moto est finalement très efficace, grâce à un bon équilibre entre le confort et les aptitudes baroudeuses. Elle finira par se doter de l’ABS et restera au catalogue presque une petite décennie. Forcément, le marché était passé vers d’autres tentations, mais la Ténéré 660 avait un petit cercle de fans qui savait apprécier l’étendue de ses compétences, ce qui explique d’ailleurs qu’elle tient encore la cote pour tous ceux, de plus en plus nombreux, qui sont tentés de découvrir les plaisirs de la moto façon March Moto Madness ou Trans European Trail. Et a voir ce que propose la Ténéré 700, elle pourrait bien lui succéder dans leur coeur… Ce qui n’a pas été, hélas, le cas de la 1200 XTZ Super Ténéré, trop lourde et pas assez fun pour déloger la BMW GS